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Interview filmée de Olivia Ruiz pour Le Mensuel en 2013

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Olivia Ruiz

en interview 

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OLIVIA RUIZ

 

 

  
« Je suis toujours fascinée par les bizarreries,

les pathologies, les névroses, les psychoses… »

 

Si l’on devait ne retenir qu’un seul mot pour la décrire, ce serait très certainement « liberté »…
Olivia Ruiz, qui a su faire oublier ses premiers pas médiatiques sans spécialement les renier, fait partie de ces rares artistes qui n’obéissent qu’à une unique règle de conduite, celle qu’ils se sont fixée car tel un cheval sauvage, la belle n’est pas du genre à se laisser dompter. Narratrice hors pair, jeune femme laborieuse, douée d’un pouvoir de création, passionnée par l’esthétique de son travail, l’artiste n’a pour ambition qu’une seule chose, nous proposer une évasion au coeur de son imaginaire et de son intimité…


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olivia-ruiz-en-interview-2013-portrait1Morgane L. : Comment se sent-on au moment de la sortie d’un nouvel album ?
Olivia Ruiz : Dès que les premières interviews ont eu lieu et que beaucoup de journalistes m’ont dit que c’était mon meilleur album, le plus abouti… J’ai repris mon souffle car j’avais fait une fois encore les choses en toute inconscience et j’ai réalisé d’un coup le risque que j’avais pris ! (rires) Mais je n’ai pas eu le temps de m’angoisser longtemps puisqu’au bout d’un mois et demi, on m’annonçait que les 100.000 ventes étaient dépassées, que le disque était « Platine » et finalement, mon angoisse n’a pas eu le temps de monter tellement tout a été rapide.

Vous avez créé cet album toute seule pour la partie création, à quel moment avez-vous eu le déclic pour vous lancer ?
Je ne procède pas comme ça car vu je suis une grande flippée je courrais le risque de ne plus jamais écrire de chansons. Vous attendriez longtemps mon disque parce que je serais paralysée par la peur ! (rires) En réalité, j’en écris tout le temps. Pas plus tard qu’hier j’en ai fait une, pour qui, pour quoi ? Je ne sais pas… Juste pour le plaisir. Quand je suis revenue en France, après six mois de promenade en solitaire à travers le monde, j’avais plusieurs textes et je me suis rendue compte que douze d’entre elles étaient très cohérentes et que je pouvais entrer en studio rapidement.

Comment, en travaillant presque seule arrive-t-on à prendre du recul ?
La chose la plus importante pour moi, c’est d’aimer profondément une chanson pour bien la défendre. Souvent je l’envoie à mon petit frère pour avoir son avis car il a un jugement très sûr. De mon côté, je retravaille sans cesse les textes, je me documente et les reprends jusqu’à la dernière seconde. Parfois même en studio je reviens sur un passage alors que la chanson était censée être finie depuis une semaine ! (rires) Sur les textes, je suis assez intransigeante. Mais en général, je m’accroche à mon idée car l’expérience m’a prouvé qu’en écoutant trop les gens autour de moi, je faisais des bêtises. Mon réalisateur américain pensait par exemple que « Le calme et à la tempête » n’était pas une chanson, mais plutôt un court-métrage. J’ai voulu défendre cette mélodie alors qu’il ne voulait pas l’enregistrer… Finalement, il m’a avoué qu’elle était sa préférée. À ce moment là, j’ai hésité entre le mordre et l’embrasser. On aura tous un avis différent mais à la fin, c’est à moi de les assumer telles que je les aime.

Qu’est-ce que ce voyage a changé sur votre travail ?
Je n’ai pas rencontré beaucoup de musiciens finalement, mais plutôt des « monsieur et madame tout le monde », des vélostaxi, des paysans, des hôteliers, des danseurs, des professeurs, des percussionnistes… Finalement je n’ai pas vraiment baigné dans le milieu musical durant ces voyages sauf à Bogota où mon trombone m’a introduite dans le milieu du free-jazz. Même si c’était intéressant en soi de faire ces rencontres, ça n’a pas grand-chose à voir avec mon propre style muical. Par contre, être loin a renforcé la sensation que j’ai de la liberté… C’est peut-être qui m’a permis d’aller explorer de nouvelles choses car j’ai eu la sensation que je pouvais tout me permettre, plus que jamais !

Créer seule donne plus de liberté ou au contraire impose plus de limites ?
Oui, il m’est même assez souvent arrivé de supprimer des chansons trop personnelles… Mais je ne me suis jamais bridée pour les écrire, ni empêchée de les mettre en musique même si elles n’apparaissent pas sur le disque car je n’ai pas envie d’en parler en promo, je n’ai pas envie d’expliquer tel ou tel sujet trop intime ou douloureux. «L’auto-censure» se fait dans un second temps finalement.

Le choix du titre de l’album « Le calme et la tempête », c’était ainsi que vous vous sentiez pendant la création ?
Ce sont des sentiments que j’ai ressenti pedant le passage à la trentaine, mais j’ai choisi de les accepter pleinement au lieu d’en subir un déchirement. Il va bien falloir cohabiter avec ces années parce que c’est la vie ! Les tempêtes peuvent aussi bien être des ras de marée que des passions, des choses agréables comme peut l’être l’adrénaline.

Comment est née l’idée de la voyeuse névrosée dans « My Lomo and Me » ?
Ça faisait longtemps que j’avais envie de faire une chanson sur le voyeurisme mais avec un joli motif. Je suis toujours fascinée par ces bizarreries, ces pathologies, les névroses, les psychoses… C’est de famille, mon frère est psychothérapeute ! (rires) J’avais envie d’explorer un personnage qui serait devenu voyeur par une jolie motivation, pas perverse. Finalement, c’est mon appareil photo qui m’a donné la clef de mon personnage grâce à ses possibilités de superpositions d’images. Bien sûr, il découle également de mon propre fantasme du bonheur, image forcément faussée comme celles que l’on a tous.olivia-ruiz-en-interview-2013-portrait2

Et à quel moment heureux de votre carrière, cette voyeuse aurait-elle pu vous photographier ?
C’est une bonne question… (rires) Peut-être sur la tournée «Miss Météore». Certes, mon plus gros succès reste « La femme chocolat », mais à cette époque, j’avais mûri, j’étais moins angoissée, plus détendue… Avec Mathias Malzieu, on venait d’accoucher de cet album, notre «deuxième» enfant, ce succès phénoménal continuait et me prouvait que «La femme chocolat» n’était pas un accident, qu’il était légitime.

D’où vous vient ce goût pour les histoires et pour l’image ?
Je vais voir beaucoup d’expositions, je vais très souvent au cinéma et au spectacle. J’aime ça, j’aime cette nourriture, j’aime ces surprises. C’est pour ça que j’aime concevoir mes spectacles, mes concerts… Je m’amuse à faire les mises en scène, vérifier les décors et l’éclairage. Pour moi « Le calme et la tempête » que vous découvrirez à Istres et à Nice est à la fois le plus beau spectacle mais aussi le plus abouti que j’ai fait jusqu’à aujourd’hui. C’est magique d’apprendre à mettre en oeuvre ses propres idées, de comprendre comment construire un spectacle comme celui-ci !

Ce goût de l’esthétique pourrait vous conduire vers d’autres domaines ?
Je l’espère ! J’aimerais beaucoup faire de la mise en scène, réaliser des films… J’ai la chance à travers ce spectacle là de pouvoir me déconnecter de la réalité pendant deux heures, de pouvoir partager tout ça avec le public tout en lui permettant à lui aussi de rire et s’évader. Je jouis un maximum de pouvoir offrir ces petits moments de voyages au public car c’est ce qui me fait tant de bien à moi lorsque je suis spectatrice.




Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson pour Le Mensuel
Interview parue dans l’édition n°335 de Mars 2013

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