COUPS DE COEUR

Interview de Noa (Achinoam Nini) pour sa venue au Broc

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« J’ai passé une bonne année. Et j’ai même enregistré mon nouvel album. Le 17ème ! »

 

Interview de Achinoam Nini, alias « Noa«  pour sa venue au Broc (06)

 


 

« J’aime à dire que si la recherche et la science avaient une place plus importante dans la société, celle-ci s’en porterait beaucoup mieux »

 

Delphine Goby O’Brien : Des moments difficiles durant la pandémie ?

J’ai été assez gâtée à vrai-dire. Déjà parce que nous avons été épargnés par la maladie chez moi, chez mes amis et ma famille, ensuite parce qu’ayant voyagé tellement longtemps et souvent durant ma vie, il était bon de pouvoir enfin rester avec ma famille, avec mon mari – je suis mariée depuis plus de trente ans avec mon amour de lycée – avec nos trois enfants. Et même si nos enfants ne sont plus tout petits, bien que ma dernière n’ait que 11 ans, (les deux autres ont 17 ans et 20 ans) , cela faisait du bien de rester autant de mois consécutifs à la maison avec eux. Par ailleurs, je vis près de la mer, et j’étais chaque jour sur la plage, et proche de la nature, ce qui est très important pour moi car je suis très connectée à la nature. Enfin, j’ai un studio à la maison et mon ami, mon partenaire artistique, Gil Dor pouvait venir chez moi (car en Israel on avait la possibilité de se voir si on pouvait prouver que l’on travaillait), donc Gil Dor et moi-même avons fait énormément de chose du studio.

En effet, avec Gil, un autre ami et mon fils on a très rapidement appris à créer des diffusions live très professionnelles, avec des caméras, des lumières, des montages. C’était donc un groupe d’amis et  de famille qui a pu mettre tout cela en exécution et faire des vidéos afin de recueillir des fonds pour les hôpitaux, d’ailleurs nous en avons fait une pour la France, pour une organisation appelée SSF, Sauveteurs Sans Frontières, qui fait un boulot formidable et qui œuvre pour de nombreuses causes en France, mais qui à ce moment là, fournissait des repas au personnel hospitalier qui n’avait pas le temps d’aller faire des courses.

On a fait la même chose pour l’Espagne, pour l’Italie, pour l’Israël, pour l’Allemagne… J’ai adoré faire cela, et cela avait encore plus de sens durant les durs moments de la pandémie.

On a aussi fait des collaborations avec des écoles, en ligne, avec des chorales aussi, puis j’ai réalisé des diffusions de mes albums, où chaque concert était dédié à un album, ce que l’on ne peut jamais faire en concert en live puisque le public attend les chansons à succès…cela a été un immense plaisir et mes fans à travers le monde ont adoré. Parfois les concerts ont été regardés par 15 000 ou 20 000 personnes  ! Il n’y a jamais eu autant de personnes quand on faisait un concert « en vrai » .

Donc oui, j’ai passé une bonne année. Et j’ai même enregistré mon nouvel album. Le 17ème !

Il y a eu beaucoup de choses faites et beaucoup de moments passés avec ma famille en cette période où le monde s’est arrêté. J’ai également été forcée de stopper mais cet arrêt a été bénéfique pour moi. Je n’aurais jamais espéré avoir ce temps off en temps normal. Si l’on est ni malade, ni affamé, on pouvait vraiment tirer de bonne choses de cette période.


Delphine Goby O’Brien : Comment faites-vous vos titres ?

Il n’y a pas de règle. Juste de la curiosité et de la passion ! Quand je commence à ne plus dormir, alors je sais qu’il faut que je fasse un nouvel album.

Mes albums ont changé au fil du temps. Les 10 premiers albums étaient dédiés à des musiques originales et à l’écriture, puis j’ai commencé à explorer toutes sortes de musiques. J’ai fait un album de chansons napolitaines, un album avec le philharmonique d’Israël dans lequel nous avons fait des arrangements sur mes anciens titres, j’ai fait un album de chansons classiques en hébreux, et puis le dernier en date sur des musiques de Jean-Sébastien Bach, où je me suis éclatée à créer des paroles !

Quand j’ai débuté j’écrivais les paroles et les musiques en même temps et avec Gil Dor qui est mon collaborateur depuis si longtemps on se complète parfaitement. J’ai toujours plein d’idées et suis spontanée dans mes créations alors qu’il est très méticuleux et il connaît beaucoup plus de choses en musique que moi, puisqu’il a étudié la musique, il l’a enseignée, alors que je suis une autodidacte, j’ai beaucoup d’intuition…Alors je suis la partie brute et lui les arrangements, les harmonies…on se complète vraiment bien  !

Delphine Goby O’Brien : Comment on arrive à écrire des paroles sur Bach, cela doit être compliqué de mettre des textes sur de la musique classique  ?

J’ai toujours été passionnée par Bach, depuis que je suis enfant et j’ai joué Bach au piano. J’ai toujours pensé que c’est un génie absolu, un magicien et que ce qu’il a fait est incroyable.

Gil et moi avions une idée philosophique sur Bach, on le voit comme le maître absolu de la polyphonie, il est un compositeur qui devait être mis en avant dans ces temps d’agressivité où les gens n’arrivent pas accepter les différences d’opinion. Tout est tellement radical et les extrémismes sont grandissants.

La polyphonie n’est pas à propos d’harmonie, la polyphonie c’est différentes voix, qui peuvent être dissonantes mais qui, en vivant ensemble, en travaillant ensemble, crée quelque chose de magnifique. Et on voulait mettre en lumière ce concept.

La situation dans le monde va mal de manière globale – et même avant la pandémie, quand on voit notamment la catastrophe du climat – l’humain a fait d’énormes dégâts avec le monde, par cupidité et égoïsme et par manque de coopération, manque de considération, et aussi le fait de dénigrer la méritocratie (qu’elle soit académique ou professionnelle, ou encore scientifique, ou que l’on soit un grand artiste ou quelqu’un qui a dédié sa vie à l’excellence) alors que la médiocrité est célébrée, avec les réseaux sociaux, il n’y a qu’à regarder le président Trump, c’est le temps de la médiocratie.

Et je voulais célébrer la méritocratie , le génie et la beauté. Et rappeler que l’humain fait de si belles choses et que même s’il détruit le monde, il fait aussi des choses formidables.

Alors j’ai commencé à écouter ces morceaux, et je ne pouvais plus dormir la nuit, car j’avais ces morceaux de musique de Bach dans la tête jusqu’à ce que les paroles émergent de la musique . Grâce à la façon dont la mélodie était élaborée et grâce l’harmonie, les mots sont apparus par eux-même.

 

Delphine Goby O’Brien : La reprise de la scène ?

Je ne pars jamais très longtemps en tournée. Je pars une semaine ou 10 jours et reviens à la maison. Je pars demain pour Berlin, Seville, Bilbao, Oberhausen and Dresden, 5 concerts. Et puis je rentrerai à la maison et repartirai pour la Suisse, je rentrerai à nouveau puis j’irai en France.

 

Delphine Goby O’Brien : Le 11 décembre vous serez au Broc  !

J’adore être sur scène, je le fais depuis 30 ans, j’adore rencontrer le Monde, aller à la rencontre des gens, j’adore apprécier les endroits que l’on visite… Mon idée n’est pas de venir, faire le show et m’en aller  !

Beaucoup d’artistes le font, surtout s’ils font un show chaque soir, mais ce n’est pas notre façon de faire.

On aime visiter, même si l’on ne reste pas longtemps, on aime passer la soirée au restaurant ou passer la matinée à visiter la ville dans laquelle on est, ou visiter un musée… on aime toujours nous balader et voir les lieux. Et le soir, il y a le concert et si on a de la chance on a même la possibilité de rencontrer les gens. Donc oui, j’ai vraiment hâte d’y être !

Le concert ne sera pas dédié à un seul album. On présentera des chanson du nouvel album Afterallogy mais aussi de Letters to Bach et bien sûr mes meilleurs morceaux, que j’adore jouer comme «I don’t Know» qui est une chanson très connue en France, que les gens aiment beaucoup, et d’autres titres encore, de mes albums précédents, que je sais que mon public français aime.

Je me souviens de Bobby McFerrin qui est un fabuleux artiste que j’adore qui m’avait dit qu’il refusait de jouer «Don’t worry be happy». Je lui avait dit mais pourquoi  ?! Les gens adorent cette chanson !» et il avait répondu, «Non  ! J’ai avancé, fait d’autres choses» . Je le respecte mais je trouve cela triste pour le public, qui aime tellement cette chanson et qui, probablement attend tout le concert pour entendre cette chanson en particulier…

Je ne fais pas cela, je trouve un compromis entre le challenge et le confort. Je présente des choses nouvelles au public et ainsi les challenge en quelque sorte avec des nouveautés et leur apporte le confort avec les titres qu’ils attendent. Je pense que si l’on arrive à trouver le bon équilibre, on crée une belle expérience. Je suis tellement contente de revenir en France. Ils m’adorent et je les adore  !

© Delphine Goby O’Brien pour Le Mensuel

 


 

Article paru dans Le Mensuel n°425 de novembre 2021

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