COUPS DE COEUR

Gwendoline Hamon en interview pour la saison 5 de « Cassandre » sur France 3

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Devoir faire des coupes dans une interview est à chaque fois un crève-coeur mais la totalité de cet échange aurait presque pu donner lieu à un hors-série tant il a été dense et enrichissant ! Visage bien connu des français, Gwendoline Hamon, outre le charme de son prénom, la justesse de ses interprétations et son indéniable beauté extérieure, est une comédienne à la personnalité naturellement enjôleuse que je vous invite à découvrir en intégralité ! Son rôle dans Cassandre, sa vision du travail, sa passion pour l’incarnation, ses questionnements ou encore son livre sur le décès de sa mère… Rien ne devrait vous faire regretter d’un peu mieux la connaître.


 

📺  Saison 5 de la série Cassandre diffusée tous les samedis à 21h05 sur France 3 & en replay sur france.tv

📚 Livre « Les dieux sont vaches » paru chez JC Lattès et Le livre de poche

 


« J’y ai mis plus de moi que dans d’autres rôles… »


 

 

Morgane Las Dit Peisson : On découvre la 5ème saison de Cassandre en ce moment mais vous êtes toujours en tournage…

Gwendoline Hamon : Oui je viens tout juste de terminer une participation dans un long-métrage de Sophie Boudre qui va s’appeler Un petit miracle dans lequel on retrouvera Alice Pol et Jonathan Zaccaï ; je reprends les tournages de Cassandre pour les épisodes de la saison 6 et, si toutes les dates s’emboîtent bien, je devrais tourner dans le long-métrage – Une belle course – de Christian Carion avec Line Renaud, Alice Isaaz et Dany Boon.

 

C’est toujours étonnant de voir un comédien changer de peau aussi rapidement…

Là, c’est calme, presque facile ! (rires) Je me rappelle de l’époque où je tournais la journée et où je me dépêchais d’aller au théâtre le soir ! Je l’ai beaucoup fait mais j’étais plus jeune ! Aujourd’hui, je ne me lancerais plus là-dedans ! (rires) J’étais épuisée ! Je partais à 6h du matin, j’étais sur le plateau toute la journée et le soir, on m’emmenait en ambulance afin d’esquiver la circulation et être à l’heure sur scène ! Il fallait se « laver » de la journée pour retrouver une nouvelle énergie le soir… Ce n’est pas tant le fait de passer d’un rôle à l’autre qui était compliqué mais c’était la fatigue aussi mentale que physique. De toute façon avec ce métier, mon problème majeur, c’est la fatigue ! (rires) Je ne suis vraiment pas une lève-tôt et manque de chance, pour les tournages, il faut être sur le pont aux aurores pour bénéficier de la lumière ! (rires) Pour ça, on nous fait faire des PAT (prêt à tourner) c’est-à-dire qu’on doit être maquillé, coiffé et habillé avant d’arriver sur les lieux pour pouvoir attaquer le tournage dès 7h du matin… En gros, ça signifie qu’il faut commencer à se préparer à 5h30 et se coucher à 22h si on veut avoir l’espoir de tenir plus de 3 jours !

Je suis vraiment du soir et en plus, j’ai besoin de dormir donc c’est toujours difficile au début puis je prends le rythme et je me couche comme les poules ! Ça n’a pas l’air mais c’est un sacerdoce ce métier ! (rires)

En revanche, pour changer de rôle, je n’ai pas trop de problème, je m’adapte assez vite et tout particulièrement avec Cassandre que je connais bien maintenant. Je me sens extrêmement garante de ce personnage au long cours car j’ai participé à le fabriquer avec les auteurs, j’y ai mis certainement plus de moi que dans d’autres rôles donc c’est facile de me glisser dans sa peau même entre deux autres tournages. Il y a quelques similitudes entre nous : comme moi, elle a un fils, elle est empathique, elle est assez énergique et puis, bien sûr elle a ma voix mais aussi mon phrasé et même, quelques fois, certaines de mes expressions car j’ai la chance d’être assez libre au niveau des dialogues tant que je ne trahis pas le scénario.

Être comédien, c’est devenir un sculpteur…

Les auteurs de la série changent régulièrement et ils ne font pas toujours parler Cassandre de la manière dont je la perçois et dont je l’ai construite donc, quand quelque chose me chagrine un peu, je leur fais des propositions afin que ça colle un peu plus au personnage. C’est un travail et une liberté que seul ce type de série peut offrir.

Pour les autres rôles, c’est différent… Je me raconte beaucoup d’histoires, même si elles ne sont pas écrites. À chaque fois que j’aborde un personnage et que je le rencontre, je m’imagine son passé et c’est grâce aux éléments qu’on me donne et à ceux que je m’invente que j’arrive à le construire. Pour qu’il soit plausible, qu’il prenne vie et qu’il devienne une véritable « personne » avec des réactions logiques et crédibles, j’ai besoin qu’il ait une vie et des expériences. Évidemment, je ne fais pas ça de façon arbitraire, je travaille avec le réalisateur qui a sa vision du personnage et que je ne dois surtout pas trahir !

Être acteur, c’est être une matière malléable, une pâte à modeler qui prête pendant un temps donné sa personnalité, son apparence et son élocution à un créateur, et c’est ce qui fait la singularité de chaque comédien. 5 actrices, toutes aussi talentueuses les unes que les autres, peuvent incarner Mariane dans L’Avare mais le résultat ne sera jamais le même. Chaque comédienne lui insufflera une aura différente et c’est ça qui fait toute la beauté et tout l’intérêt de ce métier. C’est quelque chose que j’ai compris très jeune en grande partie grâce aux conseils de ma grand-mère. Elle me disait : « Sois singulière parce que des petites jeunes filles ravissantes aux yeux bleus, il y en a pléthore ! » (rires) et c’était vrai ! Si on ne se distingue pas en étant soi, en étant sincère et en donnant une partie de ce que l’on est et de ce que l’on a, on n’apporte rien au personnage, on ne le remplit pas. Quand, plus jeune, j’ai joué avec Jean-Pierre Marielle et que j’admirais son phrasé, il m’a dit « La ponctuation Gwendoline, tu t’en fous ! C’est à toi de te créer la tienne ! ». Ça m’a énormément marquée et j’y pense encore souvent car il y a des textes qui doivent être prononcés à la lettre et d’autres que l’on peut se permettre de remanier pour y apporter sa propre patte…

C’est ce qui fait qu’on va s’attacher à un comédien même s’il n’a incarné que des rôles de salauds…

C’est exactement ça, c’est de l’ordre de l’incarnation. C’est la clef de tout, c’est ce qui donne ce supplément d’âme au personnage, c’est ce qui va nous attirer voire même nous rebuter. Incarner, c’est habiter à l’intérieur du personnage et c’est ce qui fait qu’au théâtre – encore plus que devant une caméra – on ne peut pas tricher… Il y a ce truc impalpable qui fait (ou non) qu’à un moment, la magie opère et que le rôle le plus connu du répertoire classique peut devenir exceptionnel ! On dit toujours qu’il y a trois catégories d’acteurs : les bons, les mauvais et les grands acteurs !

Pour ma part, je pense avoir beaucoup appris pendant mes cours de théâtre. J’avais une formation assez classique – qui m’emmerdait parfois profondément ! (rires) – qui m’a énormément appris sur les auteurs, leur phrasé, leur histoire mais surtout sur le jeu en lui-même : comment jouer sur scène sans déclamer, sans crier et que ça ait l’air d’être une scène ultra intime tout en se faisant entendre du 3ème balcon… Ça, c’est de la technique et une fois qu’elle est maîtrisée, on devient libre de tout inventer !

Au théâtre, on a l’impression que ça devient presque plus « facile » de rentrer chaque soir dans son personnage puisqu’il y a une espèce d’urgence, une absence de choix. Deux minutes avant de poser le pied sur les planches, je m’angoisse et je me demande pourquoi je m’inflige ça ! (rires) Et en même temps, c’est un challenge, un numéro d’équilibriste qui me surexcite et qui m’oblige à oublier que je suis Gwendoline. Je stresse les deux premières minutes puis je m’oublie parce que je ne plus faire machine arrière et je deviens cette autre que j’ai travaillée… Ce passage de l’une à l’autre est un pur moment de grâce !

 

Dans une série on retrouve le plaisir de peaufiner un rôle comme au théâtre…

Avec un personnage de série comme Cassandre, je retrouve complètement ce plaisir « artisanal » qui me permet de la retoucher, de l’améliorer et de la sculpter encore et encore, surtout dans les scènes de « comédie » qui ne sont pas directement liées au polar. Les scènes d’interrogatoire, par exemple, même si on fait très attention à ce qu’elles soient le moins répétitives possible, se ressemblent toujours un peu. On est assis dans la salle habituelle, face à un suspect pour essayer de lui tirer les vers du nez tout en devant respecter des termes ou des procédures qui doivent sembler véridiques donc on ne peut pas se lancer dans toutes les folies ! (rires) Par contre, pour ne pas m’ennuyer ni ennuyer les téléspectateurs, j’essaye toujours d’analyser le personnage que j’ai en face de moi afin d’essayer de trouver comment Florence Cassandre va pouvoir réagir : va-t-elle être agressive, froide, émue ou dans l’empathie ? Je fais tout pour que ce soit le plus juste et le plus sincère possible mais ça reste des scènes d’information et d’explication donc j’avoue que m’y amuse beaucoup moins que dans les échanges avec mon fils et mes collègues !

La grosse différence entre la série et le théâtre, en dehors de la présence du public, c’est le travail du texte. Pour un tournage, on a très peu de temps pour apprendre et pour répéter alors qu’au théâtre, on s’imprègne des mots pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois avant de se lancer devant tout le monde ! Au théâtre, le texte est dans votre chair, ça offre une liberté incroyable dans le jeu alors que pour Cassandre, c’est souvent la veille pour le lendemain, il est très frais et fait beaucoup plus appel à l’instinct. Surtout que – autre différence de taille – on tourne tout dans le désordre et parfois on enchaîne des scènes de 2 épisodes différents ! (rires) Il faut se rappeler de ce qu’on est censé avoir fait juste avant pour se mettre dans la bonne situation et le bon état d’esprit.

C’est beaucoup de travail et de concentration mais de toute façon, tout n’est que travail… Je ne l’ai pas compris tout de suite parce que je crois que j’avais des facilités… J’avais grandi dans un milieu théâtral, j’adorais ça, on me disait que j’étais à l’aise alors, en dehors de l’apprentissage des textes à l’école, tout me semblait assez fluide. Ce qui m’angoissait le plus à l’époque c’était d’être la petite fille d’Anouilh, j’avais peur d’être stigmatisée et de ne pas être comme les autres. Alors qu’aujourd’hui, je revendiquerais plutôt le fait d’être singulière ! (rires) Mais ça aussi, ça demande du travail, ça se « cultive » et on ne le comprend en général qu’en grandissant un peu…

La télé est le média qui touche le plus les gens…

Elle a un pouvoir extraordinaire qui est celui de pouvoir pénétrer dans l’intimité des gens… Ça nous permet à nous comédiens d’entrer directement en contact avec le public quand il est paisiblement installé dans son canapé, c’est magique ! Longtemps (et heureusement c’est en train de disparaître en grande partie grâce aux plateformes qui proposent autant de séries que de cinéma), la télé a souffert d’une image un peu cheap comme s’il s’agissait d’un sous-genre à cause de son accessibilité permanente et de sa gratuité ! Vous savez, inconsciemment, c’est comme le psy, ce qui est important c’est de payer, sinon ça ne fonctionne pas ! (rires) Comme je fais énormément de télé, j’ai toujours voulu montrer aux gens qu’il n’y avait pas que la télé « gaudriole » ou « flux » mais qu’on pouvait, à travers une série, allier qualité et simplicité. Cassandre est un polar familial, il est conçu pour pouvoir être regardé par le plus grand nombre donc la cible est tellement énorme qu’il a été d’autant plus difficile de réussir à en faire un programme de qualité. Il ne faudrait pas, en le voyant, se dire que c’est ringard, vieillot, cucul, trash ou trop pointu et contrairement à ce que l’on pourrait croire, c’est peut-être la chose la plus difficile à réaliser !

Bien sûr on part d’un postulat qui est le crime et qui, dans chaque épisode fait qu’il faudra aller d’un point A à un point B mais, pour nourrir cette mécanique bien huilée, il est essentiel que les acteurs soient capables de s’adonner à de vraies scènes de jeu afin que ce soit agréable à regarder. Même si la scène, la télé et le cinéma ressemblent, dans la technique de jeu, à trois métiers très distincts, ils exigent la même chose : du sérieux et du professionnalisme. Peu importe le média que le spectateur choisit, il doit prendre du plaisir et pour ça, il faut que par notre jeu, on arrive à le capter et à l’intéresser.

En 2014, vous avez sorti un livre sur votre mère, une femme fantasque, un peu en marge de la société… L’écriture est un moyen d’expression naturel ou c’est son décès et l’histoire qui lui est liée qui vous y a poussée ?

J’ai toujours eu des velléités d’écriture mais j’ai aussi toujours pensé que je n’avais pas le moindre talent ! (rires) Là encore, étant la petite fille d’un monstre sacré comme Anouilh et ayant grandi dans un environnement littéraire et intellectuel où l’on aimait les grands textes, j’ai écrit des tonnes de petites choses – des courts-métrages, des scénarios, des romans, des carnets intimes… – mais il n’était pas question du tout que ça puisse être lu par qui que ce soit d’autre !

Ma mère est décédée jeune, elle était très particulière, notre relation aussi et tout à coup, je ne sais pas ce qu’il s’est passé mais écrire est devenu un besoin… Je me souviens juste qu’à l’époque, je tournais à Paris alors que mon ex-mari était parti en vacances avec notre fils. C’était un début d’été et même si j’adore être toute seule, je me rappelle m’être sentie un peu abandonnée et punie de rester bloquée à Paris alors que tout le monde était parti s’amuser ! (rires) Le soir, je ne sortais pas car je me levais très tôt le matin pour le tournage et je me suis mise à écrire… J’en ai parlé à mon père qui m’a encouragée en me disant de ne surtout pas me brider puisque ça n’était destiné qu’à moi.

Ma mère était décédée depuis 4 ou 5 ans mais malgré tout, à ce moment-là, c’était devenu lourd, douloureux… Pourtant, quand c’est arrivé, tout m’a paru étrangement « léger »… Ça peut sembler morbide dit comme ça mais elle est morte d’un cancer de l’utérus de façon assez brutale. Elle m’avait dit qu’elle était mal mais puisqu’elle l’était tout le temps, je ne me suis pas particulièrement affolée. Deux ou trois jours après, j’ai sonné à sa porte, elle ne voulait pas m’ouvrir et quand elle l’a fait, je l’ai découverte comme défigurée. Je pense que j’ai compris que c’était grave sans vouloir l’admettre. Elle m’a dit qu’elle était très fatiguée à cause d’un régime, qu’elle était bloquée du dos et c’était une réponse qui me satisfaisait… Je pense que j’étais littéralement dans le déni à ce moment-là… C’était sûrement un instinct de protection…

 

Une épreuve douloureuse qui vous a permis de « profiter » de votre mère avant qu’il ne soit trop tard…

Malgré les insultes de ma mère qui ne voulait pas voir de médecin, j’en ai tout de même fait venir un qui m’a annoncé que ma mère n’avait plus qu’une dizaine de jours à vivre… Ma sœur m’a immédiatement rejointe car quels que soient vos rapports avec votre mère, ça reste votre mère… On n’avait que 18 ans d’écart et parfois, on ne savait plus vraiment qui était la mère et qui était la fille, ça s’échangeait selon les situations… Nos rapports étaient souvent très compliqués mais je l’aimais donc il était inconcevable que je ne fasse rien ! Ni une ni deux, ça a été un branle-bas de combat et on a été une armée à se réunir – ma sœur, moi, mon père dont elle était divorcée, les amis et la famille – pour décider de ce que l’on allait faire. Je n’ai pas voulu la laisser s’éteindre comme un petit oiseau dans son lit en la regardant mourir alors on a choisi de la transporter à l’hôpital. Ça lui a fait « gagner » deux mois que je ne regrette vraiment pas ! Ça a permis qu’elle « accepte » (et nous aussi) la situation mais aussi qu’on puisse parler, se pardonner et rire, que le deuil se fasse prématurément, tout doucement…

Les 6 mois qui ont suivi son décès, j’étais au taquet : je débarrassais son appartement, je rangeais, je lavais, je triais, je vendais, je donnais, je m’occupais des papiers… Je n’arrêtais pas comme si je courais après la vie et ce n’est qu’après cette phase qui m’a semblé « légère » et presque facile, que je suis tombée d’un coup en dépression… C’est 4 ans après tout ça que, tout à coup, j’ai ressenti un manque… Comme si son âme flottait autour de moi, comme si je n’avais pas tout dit, tout évacué… C’est là que j’ai ressenti ce besoin viscéral de m’exprimer par l’écriture et peut-être, inconsciemment, de révéler en filigrane qui j’étais vraiment… Je crois que je donne la sensation aux gens que je suis née avec une cuillère d’argent dans la bouche et surtout que tout glisse sur moi parce que je suis assez affable, pêchue, énergique, heureuse de vivre et que je vois – désormais en tous cas – mon verre à moitié plein… Même si le sujet du livre c’est ma mère, il m’a permis de rétablir çà et là quelques vérités sur moi…

Ma mère n’avait jamais de pognon, elle était toujours dans la merde alors j’ai passé ma vie à avoir peur pour elle et surtout, même si elle savait être une maman géniale, elle était très compliquée ! Ma grand-mère était une femme adorable mais très hystérique aussi donc ma sœur et moi n’avons pas été des petites chéries ultra protégées comme pourrait se l’imaginer… On a été éduquées, cultivées, aimées mais pas protégées. On a grandi dans une telle instabilité et de telles angoisses que je savoure pleinement le fait de me sentir heureuse et bien dans ma peau aujourd’hui !

Ce livre – Les dieux sont vaches – est le fruit de tout ça et après avoir commencé à l’écrire, je n’ai plus pu m’arrêter, ça devenait frénétique, addictif et obsessionnel ! J’attendais avec impatience ces soirées solitaires d’écriture et puis un jour, je l’ai donné à lire à mon père et à une amie… Ils ont trouvé que c’était sincère et que j’arrivais à être presque drôle avec un sujet noir. Je ne souhaitais pas le faire publier mais mon père m’y a poussée en me conseillant de choisir 5 livres que j’aimais dans ma bibliothèque et d’envoyer mon manuscrit aux 5 éditeurs de ces ouvrages. Deux d’entre eux ont été partants pour le publier et ça a été comme une renaissance pour moi. Tout à coup, j’avais une « valeur » ! Je passe beaucoup de temps à m’excuser « d’être » malgré la fantaisie que j’ai héritée de ma mère… Comme une culpabilité de naissance « façon ashkénazes » alors que je ne suis pas juive ! J’ai l’impression de m’excuser de tout, tout le temps : d’être en bonne santé, d’être entourée, d’avoir du travail, de ne pas connaître la misère… Je suis de plus en plus ultra-sensible…

Une sensibilité et une empathie parfois lourdes à porter mais qui permettent de rester une actrice « normale » et proche des gens qu’elle incarne…

Heureusement ! (rires) Je ne pourrais pas me supporter si je jouais à la star ! (rires) J’ai une chance inouïe qui est de faire un métier que je trouve génial et que j’aime de tout mon cœur mais ça ne fait pas de moi quelqu’un de plus intéressant ni de meilleur ! J’aime profondément l’humain, il m’attire, il m’intrigue, il me passionne et si ce n’était pas le cas, je ne verrais pas d’intérêt à être comédienne… Quand j’incarne un personnage c’est que je lui donne vie, je lui donne de l’humanité en m’inspirant des gens que je croise dans le métro ou au supermarché. Être acteur c’est être dans la vie, dans le quotidien, c’est être au contact des autres ! Je n’ai pas envie de ne pas connaître le prix de la baguette et d’être à côté de la plaque sous prétexte que de temps en temps on me reconnaît dans la rue ! La notoriété, ce n’est rien… Je suis la filleule de la fille de Dany Robin, plus personne aujourd’hui ne sait qui c’est ! Et pourtant elle était « la petite fiancée de la France » et elle faisait les couvertures de magazines avec son mari – Georges Marchal – comme aujourd’hui Marion Cotillard et Guillaume Canet ! C’est tellement éphémère et illusoire tout ça ! Ce qui compte, c’est d’aimer ce qu’on fait.

Je ne suis jamais aussi heureuse que quand je joue et que je retrouve mes camarades comme Alexandre Varga ou Dominique Pinon, que je déjeune à la cantine avec toutes les équipes ou que je croise un téléspectateur qui me dit qu’il aime bien Cassandre. La vie peut parfois être aussi simple que ça…

Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson pour Le Mensuel / Photos par Fabrice Lang – FTV – Newen


Interview parue dans Le Mensuel n°420 de mai 2021

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