CINÉMA

Franck Dubosc en interview pour son nouveau film « Rumba la vie »

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« Réaliser est devenu ce que je préfère faire… » Franck Dubosc

 

De retour devant et derrière la caméra pour son 2nd long-métrage en tant que réalisateur, Franck Dubosc poursuit, peu à peu, sa « transformation »… Osant se façonner des personnages de plus en plus sensibles voire de moins en moins « comiques », le comédien, dans Rumba la vie, réussit ce pari un peu fou de surprendre y compris un public qui le suit depuis plus de 20 ans ! 

Dans la peau d’un homme esseulé qu’un souci cardiaque va « réveiller », il va se lancer à la conquête d’une jeune fille passionnée de danse, non pas pour la mettre dans son lit mais pour rattraper toutes ces années où cette dernière a grandi sans père… Parvenant à rendre son personnage touchant et attendrissant bien qu’il ait abandonné femme et enfant 20 ans auparavant, Franck Dubosc révèle des facettes d’un jeu qui lui vont décidément à merveille. 

 


 

Franck Dubosc pour son nouveau film Rumba la vie au cinéma le 24 août 2022 (détails et billetterie dans l’Appli Le Mensuel)

 

 

 


 

Morgane Las Dit Peisson : Quand le film sort, contrairement à la scène, on ne peut plus rien bouger…

Franck Dubosc : À ce niveau-là, le cinéma est en effet un peu « contrariant » et c’est pour ça qu’on fait toujours des projections tests. Elles nous permettent de sonder les réactions et de pouvoir encore changer un peu les choses avant de sortir le film au cinéma. Je me rends compte avec Tout le monde debout – qui a été mon premier film – qu’on a toujours des envies de retoucher de petites choses a posteriori, mais il faut apprendre à les oublier car les « erreurs » qu’on estime avoir faites font partie du film. Elles participent à son charme et à notre apprentissage du métier de réalisateur. C’est comme dans la vraie vie, il faut savoir apprécier nos petites imperfections… (rires)

 

 

Rumba la vie est votre 2nd film en tant que réalisateur, scénariste et rôle principal. C’est certainement plus éreintant que les 6 qui vont sortir où vous êtes « simplement » acteur ? 

J’aimerais bien me faire passer pour un être exceptionnel mais ce n’est en réalité pas autant de pression que ce que je pensais au début ! (rires) Quand on est réalisateur, on est très entouré et je crois d’ailleurs que c’est devenu ce que je préfère faire… Rumba la vie existe parce que je l’ai imaginé, décidé, écrit, réalisé et joué donc je l’assume entièrement. S’il y avait un échec, je serais déçu évidemment, mais je ne pourrais pas regretter de ne pas avoir fait ce que je désirais. Quand on joue pour quelqu’un d’autre, on peut toujours se dire qu’on aurait fait différemment tandis que quand on a été sur tous les fronts, on n’est pas « tranquille » pour autant mais on sait que quoi qu’il advienne, on a donné le meilleur de soi et qu’on ne pourra pas se le reprocher…

 

 

Est-ce que réaliser ne serait pas une suite « logique » du one-man où l’on est son propre « patron » ? 

C’est vrai que ça se ressemble finalement beaucoup… En spectacle, je me mets en scène moi-même, je me crée un univers et d’ailleurs, je ne regarde pas les captations car je suis déçu à chaque fois de ne pas voir à l’écran ce que j’imaginais dans ma tête à ce moment-là. J’aperçois simplement un bonhomme qui arpente la scène de gauche à droite alors que quand je joue, je vois des choses que je fais imaginer au public. 

Le cinéma, en effet, est presque un prolongement de ce travail-là puisqu’il me permet de planter visuellement le décor auquel je pense. Il y a une continuité entre ces deux activités… Elles ne sont pas si éloignées l’une de l’autre. Les techniques utilisées ne sont pas les mêmes, on est beaucoup moins seul au cinéma mais le but initial reste le même. Quand on est sur scène, on veut que le public soit attentif à tel ou tel détail à un moment précis et dans un film c’est pareil, on l’oblige, grâce à la prise de vue, à regarder ce qu’on désire qu’il voie et surtout, on l’embarque avec nous pour lui raconter des histoires, et c’est ça le plus important ! 

 

 

Vous avez dessiné un personnage différent du registre qui a fait votre succès…  

D’ailleurs ce personnage-là est presque plus près de ce que je suis à l’intérieur de moi et de ce que j’aime… Je me rends compte que j’ai désormais tendance à plus susciter le rire par les autres rôles que par les miens. Dans Tout le monde debout, bien que mon personnage fut beaucoup plus drôle que celui-ci, il avait déjà un peu de gravité en lui. Tony, avec sa moustache, ses cheveux gominés en arrière et sa carrière de chauffeur de bus scolaire n’a rien de séduisant, il me fait de la peine mais c’est quelque chose que j’aime bien au cinéma. Il a des failles, des défauts et ce qui me plaît beaucoup, c’est qu’on devrait le détester alors qu’en finalité, on va s’y attacher… Un homme qui abandonne sa fille, c’est compliqué de le rendre attendrissant mais j’ai la sensation, vu les retours du public, que j’y suis parvenu ! Les gens ne lui pardonnent pas forcément mais ils finissent par bien l’aimer et ça, ça a été la part la plus importante de mon travail d’écriture.

 

 

Comme dans Tout le monde debout, le personnage de Rumba la vie joue un rôle pour mieux se dévoiler ensuite…  

Ça c’est une psychothérapie que je devrais faire… Dans le 3ème film que je suis en train d’écrire, je n’ai pas pu m’empêcher d’imaginer un personnage qui se cache à nouveau pour, finalement, mieux se montrer… C’est comme si je n’assumais pas moi-même qui je suis et que j’avais envie de dire à travers les histoires que je raconte que je suis différent, au fond, de ce que je laisse voir… Ça n’a pas de rapport avec mon métier, je ne veux pas essayer de prouver que je ne suis pas qu’un comique, ça va beaucoup plus loin que ça… Dans la vie, depuis toujours, j’ai eu envie de dévoiler sans l’oser une vérité que je cache soigneusement… Du coup, ça se retrouve inconsciemment, je crois, dans mon écriture…

 

 

Le personnage de Tony se révèle attachant quand il décide d’assumer ses imperfections…  

C’est quand il devient maladroit et moins sûr de lui qu’on est pris d’empathie. À ce moment-là, il devient plus proche de nous et des gens qui nous entourent. Physiquement, je l’ai d’ailleurs imaginé tel qu’il est parce que je voulais qu’il ressemble aux pères des gens de ma génération avec leurs petites moustaches, leurs pantalons presque pattes d’éph, leurs blousons en cuir, leurs rêves d’Amérique et les cravates qu’ils se mettaient pour se faire beaux… Mon père ne ressemblait pas à Tony mais quand je le vois, je ne peux pas m’empêcher de penser à lui… C’est peut-être pour ça qu’on sent bien que je ne m’en moque pas mais qu’au contraire, j’éprouve pour lui une grande tendresse.

 

 

Vous avez offert son 1er grand rôle au cinéma à Louna Espinosa…  

Je cherchais à l’origine quelqu’un d’environ 28 ans pour jouer ma fille mais quand j’ai vu ce petit bout de chou de 20 ans jouer les mots que j’avais écrits et réussir à m’émouvoir, j’ai instantanément compris qu’il fallait que ce soit elle. Je l’ai revue plusieurs fois, lui ai fait tester plein de scènes pour m’assurer qu’elle soit crédible en prof de danse un peu autoritaire et ça n’a fait que renforcer mon pressentiment. Ça a été son 1er grand rôle en effet, mais je savais aussi que je serais toujours à côté si elle avait besoin d’aide ou de conseils. Un acteur qui est à sa place, ça ne s’explique pas, mais ça se voit tout de suite… Rien qu’en la voyant entrer dans la pièce, j’ai vu se matérialiser le personnage que j’avais façonné… 

Contrairement à vos précédents personnages, on n’est pas dans le jeu habituel de séduction…  

C’est aussi ce que je trouvais intéressant dans Rumba la vie. J’ai donné l’habitude de jouer et surjouer les séducteurs et cette fois-ci, j’avais envie d’autre chose, je ne voulais pas que l’histoire repose sur ça. En revanche, il y a bien un rapport de séduction mais entre un père et sa fille. D’une certaine manière, il doit la séduire pour l’approcher, pour essayer de se faire apprécier et pour qu’elle accepte, peut-être, qu’il fasse partie de sa vie bien qu’il l’ait ignorée depuis sa naissance. 

 

 

Une alchimie à l’écran renforcée par la danse…  

Les deux mois de travail qui ont été nécessaires à préparer les scènes de danse nous ont, c’est vrai, énormément aidé à créer cette alchimie. On a été deux personnes fragiles ensemble puisque j’étais en « difficulté » sur la danse et que j’avais beaucoup de choses à apprendre. Ça a permis d’éviter qu’il y ait le réalisateur qui a l’habitude d’être acteur d’un côté et la jeune comédienne de l’autre. On était sur un pied d’égalité et en plus, on a eu du temps pour se découvrir humainement à travers la danse, qui est tout de même quelque chose de totalement impudique ! Se prendre dans les bras quand on ne se connaît pas, c’est très déroutant et c’est pour cette raison que j’ai choisi qu’elle soit prof de danse plutôt que de ping-pong ! (rires) La danse est quelque chose de charnel alors dans le film, ça me permettait d’ajouter une difficulté supplémentaire au personnage quand il décide d’aller vers sa fille en adoptant sa passion. Dans la réalité du tournage, ça m’a aidé à m’approcher de cette jeune partenaire grâce à un contact différent du simple jeu d’acteur. J’avais vécu ça sur Disco. Avec mes acolytes, on avait passé 3 mois à danser ensemble donc quand on a débuté le tournage, on avait déjà une véritable complicité.

 

 

Et la danse est également synonyme de lâcher-prise…  

C’est aussi ce parallèle entre l’évolution personnelle des personnages et leurs progrès en danse qui m’intéressait. Car si dans un domaine comme dans l’autre, ils restaient à camper sur leur impression – rassurante – de maîtrise, ils ne pouvaient pas avancer. Ce qui résume le mieux ce film, c’est qu’on est face à des personnages qui dansent l’un contre l’autre, dans tous les sens du terme. Ils vont passer de la dualité au rapprochement…

Le lâcher-prise c’est l’abandon…  

C’est joli parce que là aussi, c’est riche de sens. L’abandon de soi de ces deux êtres qui se retrouvent par la danse fait écho à l’abandon de cette enfant… En tous cas, je trouve ça beaucoup plus dur de danser que d’être acteur et d’ailleurs, je n’avais pas, à l’écriture mesuré l’ampleur de la tâche ! (rires) Je n’ai pas pris cette décision pour me lancer un challenge mais une fois que c’était parti, il a bien fallu que je sorte de ma zone de confort ! Et pour le prochain film, j’ai encore plus dur à faire… On s’en reparlera si j’y arrive ! (rires)

 

 

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson au Cineum de Cannes pour Le Mensuel / Photos par Syspeo Photo & Gaumont / interview dans Le Mensuel de septembre 2022

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