INTERVIEW

Elisabeth Buffet en interview

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Bien qu’elle voie la première d’un spectacle comme une torture délicieuse, un court moment où l’on ne comprend plus très bien pour quelles raisons on s’inflige autant de trac et d’angoisses, Élisabeth Buffet ne pourrait plus se passer ni de l’adrénaline ni de sa relation avec un public qui suit avec délectation ses aventures scéniques… Un tantinet foldingue, grande gueule et jusque là plutôt crue, la séduisante quinqua – qui semble avoir acquis une certaine part de sagesse ces derniers temps – a décidé de s’autoriser à offrir d’autres facettes d’elle-même. Intriguée par le narcissisme de notre époque, l’étalage de notre intimité sur les réseaux sociaux ou encore par le temps qui passe, la tornade blonde revient donc avec Obsolescence programmée, un nouveau seul en scène qu’elle prépare avec amour depuis plus d’un an et demi.

 

Elisabeth Buffet dans « Obsolescence Programmée » à Marseille du 12 au 14 avril, à Nice les 26 et 27 octobre

 


« J’ai bizarrement eu envie de grandir un tout petit peu… »


Morgane Las Dit Peisson : Vous êtes en pleine création de votre nouveau spectacle Obsolescence programmée

Élisabeth Buffet : En ce moment oui, ça se répète, ça se peaufine, ça commence à stresser… Mais ça va quand même ! (rires) Je crois que j’arrive à un stade où j’ai surtout hâte que ça commence pour de vrai même si mon cerveau est dans un état de dévastation totale ! (rires) 

Entre ce spectacle et le précédent, vous étiez au théâtre dans Nuit d’ivresse

J’adore partager la scène avec des partenaires mais c’est vrai que ça fait du bien de revenir seule en scène, non pas par ego mais parce que je trouve très agréable d’être aux commandes pour dire ses propres mots. J’ai été très heureuse de cette expérience théâtrale car elle m’a beaucoup appris mais le « one » me manquait.

Ça a changé quelque chose dans votre façon de travailler ?

C’est surtout au niveau du jeu que j’observe quelques changements… J’ai découvert ce qu’était être à l’écoute de quelqu’un d’autre que le public mais aussi ce qu’était un jeu plus en profondeur. J’ai la sensation de ne plus interpréter mon personnage solitaire de la même manière depuis que j’ai goûté au jeu à plusieurs.

Qui dit nouveau spectacle, dit nouvelle histoire…

Ce que le public va découvrir, c’est une nouvelle Élisabeth… Évidemment, je reste la même personne mais je n’aborde plus les mêmes sujets. Je parle par exemple beaucoup moins de culottes et de relations sexuelles ! (rires) Ce sont plus des observations sur l’époque et des interrogations sur cette fameuse obsolescence programmée qui est très dans l’air du temps malheureusement…

Et nous-mêmes faisons partie de cette obsolescence programmée…

(rires) Vous devriez travailler dans la diplomatie ! (rires) Oui, nous allons tous mourir, merci de nous le rappeler ! (rires) Sérieusement, c’est aussi ça le titre… Dès le départ, c’est inscrit, la vieillesse est juste un virus à incubation très lente, donc on ne se rend pas spécialement compte tout de suite qu’on en est atteint mais plus on avance dans le temps, plus ça s’impose à nous ! Quand arrive la cinquantaine, on n’est plus aussi fringant qu’avant mais surtout, nos intérêts se déplacent et c’est cette évolution que j’avais envie de partager avec le public. Il y a à la fois du regret, du renoncement mais aussi une certaine sagesse et une sérénité qui s’installent quand on franchit le cap des 50 ans…

Vous seriez devenue sage ?

Bah… Pas mal je crois ! (rires) Mais je vous rassure, uniquement par obligation ! (rires) J’ai réussi à me détacher de certaines choses et j’ai bizarrement eu envie de grandir un tout petit peu. Je ne sais pas si c’est la presbytie mais j’ai la sensation de mieux voir de loin et d’avoir une meilleure vue d’ensemble de mes contemporains. 

Il y aura plus d’émotion qu’avant ?

Avant, je ne recherchais que le rire et un peu comme une drogue, j’avais besoin de « ma dose » ! Cette fois-ci, c’est beaucoup plus nuancé car je ne me suis pas imposée cette contrainte là… Bien sûr c’est drôle – enfin j’espère ! (rires) – mais je me suis autorisée à ne pas enchaîner vanne sur vanne pour laisser de la place à l’émotion et la réflexion… C’est un challenge car il y aura des moments de silence voulus mais assez inhabituels pour moi. Il faudra que j’apprenne à les assumer et à jouer avec…

Vous avez écrit seule mais êtes accompagnée de Nicolas Vital pour la mise en scène…

J’étais peinarde moi pendant l’écriture… (rires) Et maintenant ça prend forme donc il y a une autre phase de travail qui se met en route, celle de la mise en bouche et en espace… Les mots prennent vie et ne résonnent plus comme sur le papier alors il faut les élaguer, les modifier, leur donner du corps et c’est là que la présence d’une tierce personne est, selon moi, indispensable. C’est, je trouve, la période la moins rigolote, celle où j’ai du mal à prendre du recul et à être objective alors avoir à mes côtés quelqu’un de confiance comme Nicolas Vital me fait un bien fou !

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photos droits réservés


Interview parue dans les éditions n°391 #1, #2 et #3 du mois d’avril 2018

 

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