CONCERT

Chimène Badi en interview pour son projet musical « Chimène chante Piaf »

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« Je ne veux décevoir personne ! » Chimène Badi

 

Amoureuse depuis l’enfance du répertoire d’Édith Piaf, Chimène Badi est actuellement en pleine préparation de la tournée et de l’album Chimène chante Piaf qui sortira le 20 janvier 2023. À l’occasion du festival Grasse à Édith, la solaire et souriante interprète dévoilera, en avant-première, l’hommage – empreint de respect et d’admiration – qu’elle a toujours rêvé de rendre à cette artiste dont le monde entier fredonne encore aujourd’hui les chansons…

 


 

Chimène Badi pour son nouveau projet musical et scénique Chimène chante Piaf

 

 

 


 

Morgane Las Dit Peisson : Chimène chante Piaf, une tournée et une avant-première grassoise…

Chimène Badi : La tournée officielle débutera en octobre, passera par L’Olympia en janvier 2023 et donc, la date du 17 septembre à Grasse sera vraiment une avant-première. J’en suis ravie ! Ce sera un spectacle très intimiste où je serai accompagnée d’un pianiste et d’un accordéoniste pour y interpréter le registre d’Édith Piaf que j’adore. C’est réellement ce jour-là que tout va débuter et que l’on va commencer à se raconter, avec mon équipe, autour de ce projet… Je suis extrêmement impatiente, ça faisait très longtemps que je n’avais pas ressenti quelque chose d’aussi puissant et en même temps, j’ai déjà mal au ventre rien que d’en parler ! (rires) 

Je ne dis pas que mes précédents projets n’étaient pas aussi importants mais quand on crée des chansons, quand elles viennent de nous, la démarche est très différente… Là, je touche à un répertoire pour lequel j’ai un immense respect, à des oeuvres extraordinaires et à une artiste que j’aime depuis que je suis toute petite et avec laquelle j’ai grandi. J’ai pour elle un amour incommensurable et c’est ça que je souhaite, en toute humilité, partager avec le public à travers un album, une tournée mais aussi, entre autres, un documentaire que l’on est en train de préparer. Je pars sur ses traces, sur ses chemins de vie… C’est terriblement enrichissant !

 

« Ça faisait très longtemps que je n’avais pas ressenti quelque chose d’aussi puissant » Chimène Badi

 

Comme elle, vous avez chanté avec Charles Dumont…

J’en ai chialé ! (rires) Chanter en étant accompagnée au piano par Charles Dumont m’a littéralement coupé la voix, plus rien ne sortait ! Rien qu’en entrant dans son appartement, j’ai fondu en larmes ! Je n’aurais jamais pu imaginer que j’allais réagir comme ça ! C’est fou ce que j’ai pris en plein coeur… 

Je l’ai écouté parler, j’aurais pu rester des heures à côté de lui tant il est agréable, intéressant et intelligent… Puis, il s’est mis au piano, ce même piano où Édith Piaf s’est accoudée et a chanté… 

Rencontrer des gens qui l’ont si bien connue et découvrir leurs souvenirs d’elle, c’est déjà merveilleux mais chanter avec l’homme qui lui a écrit quelques-unes de ses plus belles chansons, c’est complètement dingue ! J’ai pris une gifle émotionnelle ce jour-là ! Je mourrais avec ça tant ce que j’ai vécu a été magique à mes yeux…

 

 

Un public viendra pour vous et un autre pour elle…

C’est exactement ça et c’est pour ça que j’ai autant le trac… J’ai envie de bien faire et je ne veux décevoir personne. 

Quand Charles Dumont m’a donné son aval, j’ai évidemment éprouvé une joie et une fierté immense mais ça m’a mis une sérieuse responsabilité sur les épaules. C’est effrayant mais génial à la fois car c’est aussi pour ça qu’on fait de la musique, pour cette pression positive. Je veux sortir chaque soir de scène en ayant le sentiment que j’aurais fait les choses comme il le fallait, dans le plus grand respect de cette artiste inoubliable. 

Je ne dois pas dénaturer son oeuvre et en même temps, nous sommes en 2022 donc aussi immortel soit-il, ce répertoire est ancien et ça s’entend aux arrangements ou encore à la qualité des enregistrements de l’époque. Tout le travail que l’on fait à présent, c’est de lui apporter une sonorité plus actuelle – sans le modifier pour autant – afin de le faire revenir sur les ondes et dans les oreilles des gens qui l’aiment déjà mais aussi, j’espère, dans celles de la plus jeune génération qui ne le connait peut-être que vaguement. 

J’ai un profond respect pour la chanson française, j’ai grandi avec elle, elle m’a appris à m’exprimer, à développer mon esprit critique, ma sensibilité, ma voix… Je veux contribuer à la faire vivre et perdurer. On doit être fiers des artistes que l’on a en France et qui font notre renommée, comme Piaf, dans le monde entier !

C’est incroyable que sa musique soit encore écoutée sur tous les continents ! Ça veut dire que malgré le barrage de la langue, son interprétation nous fait tous vibrer et nous transperce tous avec la même intensité. 

Et puis, pour le public qui la comprend, Piaf s’exprime avec des mots simples mais forts et tellement vrais… 

Avec tout ça, je ne peux pas prendre ce projet à la légère !

 

 

« Dépoussiérer » ce patrimoine musical est un numéro d’équilibriste…

Dès qu’on a commencé à travailler, ma principale préoccupation a été qu’on ne défigure pas les oeuvres. Il est hors de question qu’on ne reconnaisse pas dès les premières notes L’hymne à l’amour ou Non, je ne regrette rien et que les gens se demandent ce qui s’est passé ! Je ne cherche surtout pas à m’approprier ces morceaux bien qu’inconsciemment et naturellement, j’y mette ma « patte » à travers ma voix puisque je n’ai évidemment pas la même qu’elle. Nous avons à peu près les mêmes tessitures donc je n’ai pas eu besoin de changer les tonalités originales. 

J’ai en revanche eu un petit défi dans ce registre avec L’homme à la moto. Elle n’était pas dans ma tonalité mais j’ai voulu la garder telle quelle car en la bougeant, mon grain de voix aurait été moins intéressant, plus « blanc ». C’était une performance pour moi, ça m’a demandé de travailler dur pour gagner cette amplitude qui me manquait mais de toute façon, chanter du Piaf est une performance en soi…

Je ne veux pas surprendre ou choquer, simplement rendre hommage, apprécier le moment présent mais aussi relever ce défi chaque soir. Je ne vous cache pas que j’aime bien me sentir un peu en danger quand je monte sur scène ! (rires)

 

« Ma principale préoccupation a été qu’on ne défigure pas les oeuvres » Chimène Badi

 

Rien ne vous obligeait à chanter L’homme à la moto

Ce n’est pas faux ! (rires) Si ce n’est qu’en plus du challenge que ça représentait pour moi, j’aime énormément ce titre et que scéniquement, il peut apporter quelque chose de très puissant… L’histoire de cet homme sur sa moto qui passe sa vie à braver le danger jusqu’à ce qu’il se prenne un train nous fait ressentir la cavale, le risque et l’urgence jusque dans les arrangements. Pour le bien du spectacle, il était hors de question que je m’en passe ! J’ai préféré travailler dur ! (rires) 

 

 

Le déclic pour se lancer dans ce projet autour de Piaf ? C’était simplement le bon moment ?

Je crois en effet que c’est ça… Je l’ai toujours chantée mais avant d’oser la reprendre plus « officiellement », il fallait, je pense, que je gagne en maturité, que j’acquiers de l’expérience et du vécu. 

J’avais 4 ans quand j’ai découvert Mon Dieu mais, sans la comprendre à l’époque, elle m’impressionnait, m’attirait et me faisait « mal » en même temps. Avec le recul, je réalise qu’évidemment je n’étais pas une surdouée qui avait compris que la chanson parlait de la disparition d’un être aimé mais je devais en ressentir, d’une certaine manière, tout le désespoir qu’elle y avait mis.

Sa voix m’a bouleversée, j’ai grandi avec elle, elle ne m’a jamais quittée. J’ai tellement aimé cette femme que j’ai lu beaucoup de bouquins sur sa vie, sur sa force, son parcours, son histoire, sa part de masculinité… Je me reconnais en elle sur plein de traits de sa personnalité. C’est vraiment mon idole, j’ai toujours rêvé de la chanter mais effectivement, je savais que ce n’était pas encore le moment. Pour incarner avec justesse les textes, je pense qu’il faut avoir vécu. Un jour, j’ai su en mon for intérieur que c’était le bon moment et qu’il fallait que je me lance ! À cet instant précis, je n’ai plus pu attendre ! (rires)

L’avantage de prendre de l’âge c’est qu’on se connaît mieux, qu’on apprend à se délester de plein de choses et qu’on réalise qu’il est important d’aller à l’essentiel…

 

Chimène Badi rend hommage à Edith Piaf, 60 ans après sa disparition

 

« Il fallait que je gagne en maturité, que j’acquiers de l’expérience et du vécu… » Chimène Badi

 

Se lancer dans le projet en se connaissant aussi artistiquement…

C’est vrai qu’avoir mûri intimement était primordial pour interpréter avec profondeur ces morceaux mais se connaître vocalement était essentiel. Depuis que je suis enfant, sa voix est quelque part dans ma tête donc, inconsciemment, je pense que si on n’est pas assez « solide » artistiquement, on peut risquer de glisser vers de petites « imitations ». Elle a une identité vocale et physique tellement forte qu’on peut, si on ne s’est pas encore trouvé en tant qu’artiste, la copier sans même s’en rendre compte… On a des similitudes mais mon parcours artistique m’a en effet permis de me connaître assez pour ne pas tomber dans ce piège. Si ça n’avait été le cas, je ne m’épanouirais pas aussi pleinement.

Un parcours et un héritage hors norme…

C’est complètement dingue quand on y pense car cette femme a fait sa (courte) vie sans jamais imaginer la trace qu’elle allait laisser… C’est ce qui est sublime dans l’art, c’est qu’il nous survit et qu’il finit par nous offrir un peu d’éternité… Et grâce à l’héritage qu’Édith Piaf nous a confié, elle est, d’une certaine manière, toujours vivante.

 

 

Un répertoire marquant qui dévoile sa force de caractère…

On a hérité de quelque chose de fort car la discographie d’Édith Piaf était très réfléchie. Elle ne choisissait pas ses chansons pour rien, simplement parce qu’elle les trouvait « jolies ». Il y avait toujours une raison et tant qu’elle n’avait pas ce qu’elle voulait, elle ne cédait pas ! Elle avait un caractère inébranlable et malgré tout ce qu’elle a traversé, elle n’a jamais lâché l’affaire ! (rires) J’aime les femmes comme ça !

Cette admiration pour ce genre de personnalités, connues ou non, c’est quelque chose dont je prends conscience aujourd’hui. Des nanas comme elle ou Tina Turner, par exemple, sont inspirantes. C’est encourageant de penser à une carrière comme celle de Piaf car ça prouve que tout est possible si on s’en donne les moyens ! C’est la plus belle des leçons de vie que l’on pouvait recevoir…

 

« Je suis à fond dans mon projet, je m’éclate, je prends du plaisir, je pleure, je ris, je vibre… » Chimène Badi

 

Différente de Piaf, plus solaire et chaleureuse…

Je pense que c’est ce que je vais, en toute humilité, amener de différent. Pour reprendre l’exemple de la 1ère chanson que j’ai entendue de Piaf – Mon Dieu – et qui m’a tellement angoissée par sa charge émotionnelle et la tristesse qui s’en dégageait ; l’arrangement de Julien Thomas avec qui je travaille et à qui j’avais exprimé mes craintes sur ce titre, m’en a dévoilé une autre facette. Lorsque je suis arrivée en studio et que je l’ai écoutée, j’ai pleuré de joie et de bouleversement. J’ai posé ma voix dessus et c’est cet instant qu’on a gardé pour l’album… Il y a peut-être des petites imperfections mais à ce moment-là j’y ai mis – sans penser à la pression de l’enregistrement – mon coeur et mes tripes. La vraie nuance que j’y ai apporté, c’est l’espoir que je n’entends pas dans la version d’origine. Son Mon Dieu à elle était un cri de douleur et, sans rien y changer musicalement, je l’ai abordé différemment et ça lui a donné, je crois, une autre couleur qui a fait qu’il est devenu mon morceau favori sur l’album qui va sortir.

 

 

Spectacle ou concert ?

À Grasse, ce sera une date vraiment à part du reste de la tournée… Déjà parce que ce sera la toute première mais aussi parce que c’est une ville particulière. C’est là qu’elle est décédée… La scénographie ne sera pas la même car je souhaite que ce soit encore plus épuré et intime à Grasse. Le but est de la raconter comme il se doit tout en me dévoilant à travers le lien qui m’unit à elle… Sur la tournée, il y aura des titres à moi mais ils n’ont pas leur place sur Grasse à Édith. Le 17 septembre lui sera totalement consacré.

Dès le mois d’octobre, il y aura une réelle mise en scène avec un décor et des tableaux qui accompagneront chacun des morceaux. Ce ne sera pas juste un « concert » de 4 musiciens et 1 chanteuse car je souhaite qu’il y ait quelque chose de plus théâtral, j’aimerais que ce soit un beau spectacle musical qui s’ouvre avec Sous le ciel de ParisOn est en pleine construction et c’est merveilleux !

C’est assez fou ce que je suis en train de vivre car ce n’est pas du tout comme d’habitude mais j’aime trop ! (rires) Je suis à fond dans mon projet, je m’éclate, je prends du plaisir, je pleure, je ris, je vibre… C’est pour ressentir ça que j’ai toujours voulu faire de la musique ! 

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson pour Le Mensuel / Photos Frédéric Carmeille et Chimène Badi / interview dans Le Mensuel de septembre 2022

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