COUPS DE COEUR

Benoît Solès en interview pour sa nouvelle pièce « La maison du loup »

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« J’ai ressenti ce même truc qu’avec Turing ! »

 

Alors que sa Machine de Turing va continuer son petit bonhomme de chemin jusqu’en Asie, en Argentine ou encore aux États-Unis, Benoît Solès est reparti sur un nouveau chapitre théâtral avec La maison du loup. En création à Avignon et de passage par Ramatuelle, l’auteur et comédien s’est cette fois-ci pris de passion pour l’histoire d’un ancien prisonnier qui a croisé la route d’un des plus grands romanciers férus d’aventure : Jack London

 


 

🎟️ Benoît Solès pour « La maison du loup » au Festival OFF d’Avignon du 07 au 31 juillet 2021 • au Festival de Ramatuelle le 02 août 2021 • au Théâtre Anthéad’Antibes le 14 septembre 2021

La nouvelle édition du Festival de Ramatuelle

 


 

 

 

Morgane Las Dit Peisson : La maison du loup

Benoît Solès : C’est une toute nouvelle aventure qui nous a fait remettre les compteurs (presque) à zéro ! Nouvelle écriture, nouveaux personnages mais l’équipe artistique est quasiment restée la même que sur La machine de Turing. Je me suis entouré de la même production, de mon metteur en scène fétiche – Tristan Petitgirard -, d’Amaury de Crayencour qui a accepté de rejouer à mes côtés et d’Anne Plantey avec qui j’ai partagé la scène dans Rupture à domicile (une pièce de Tristan).

 

 

Un cocon presque familial…

Choisir de travailler avec les mêmes personnes est un choix de confort, une facilité mais il n’y a pas que ça. Quand on connaît bien les gens et qu’on les estime, ça permet de faire les choses dans la confiance et ainsi d’avancer plus sereinement mais le choix de l’entourage est beaucoup moins « réfléchi » que ça, c’est plus instinctif. Inconsciemment je crois que j’ai écrit le rôle de Charmian London pour Anne et Amaury s’est littéralement imposé comme une évidence pour le personnage de Jack London. Mais ce n’est pas pour autant qu’il n’y a pas d’exigence… Bien au contraire ! Je sais ce qu’ils valent et ce dont ils sont capables donc j’aurais peut-être une tendance à en attendre encore plus de leur part ! (rires) Avec Tristan, on se challenge, on se remet en question et on accepte de confronter nos points de vue sans ménagement mais avec respect pour pouvoir faire des choix harmonieux qui servent la pièce.

 

 

3ème année à Ramatuelle…

Je ne remercierai jamais assez Jacqueline Franjou et Michel Boujenah pour la confiance qu’ils m’accordent ! En plus, le théâtre de Ramatuelle va apporter une dimension toute particulière à La maison du loup puisque toute l’histoire se déroule sur une terrasse en plein air. Ça va être très émouvant de pouvoir jouer dans les « vraies » conditions, entre chien et loup et au milieu des éléments… J‘adore jouer en extérieur car ça te donne de l’ampleur, tu joues large, ça te reconnecte aux origines antiques du théâtre… Il y a quelque chose de presque sacré !

 

 

Se remettre à écrire après un succès colossal…

Le Molière, quand tu le reçois, il est très léger le soir de la cérémonie, il est agréable à regarder sur ta cheminée puis il devient de plus en plus lourd à porter quand tu décides de passer au projet d’après… Mais à un moment, il faut avancer et se lancer même si, me considérant plus comme un comédien qui écrit que comme un auteur, il y avait la crainte que je ne sois pas capable d’écrire à nouveau. J’avais envie de proposer l’idée d’un vrai voyage, d’une expédition en bateau, d’une aventure alors j’ai relu L’île au trésor de Stevenson, Kerouac, Jack London et c’est en recherchant Martin Eden que je suis tombé sur Le vagabond des étoiles que je ne connaissais pas et qui est le tout dernier roman de London. C’est en le découvrant que j’ai ressenti ce même truc qu’avec Turing, j’ai eu l’impression d’y trouver quelque chose que je cherchais.

C’est l’histoire d’un prisonnier à qui on a infligé la camisole de force et qui, pour s’en libérer virtuellement et supporter la douleur, voyage dans sa tête grâce à l’autohypnose… J’ai trouvé que ça faisait écho au voyage immobile que l’on peut vivre au théâtre et c’est une mise en abîme qui m’a intéressé. Puis j’ai découvert que London s’était inspiré d’une histoire vraie, qu’il avait rencontré le type en question et ça m’a tellement touché que je me suis mis à imaginer les circonstances de ce face-à-face et pour quelle raison l’auteur avait choisi de s’en emparer…

 

 

Un duo masculin réuni par une femme…

J’ai imaginé que tout venait de la femme de Jack… Sentant que son mari est en perte d’inspiration et de flamme, elle invite chez eux – sans savoir qu’il est un ancien prisonnier puisqu’elle croit qu’il est un journaliste qui raconte une histoire – Ed Morrell dont elle admire la volonté d’essayer de sauver un homme de la peine de mort. Elle perçoit en lui la flamme que son époux a précisément perdue. Ils vont se tourner autour, s’aimer, se chercher, se défier et créer ensemble.

 

 

Des rôles passionnants…

Sur cette terrasse va se tramer quelque chose de fort entre eux et d’assez tragique aussi qui va les entraîner à révéler tour à tour leurs faiblesses et leurs failles. La création n’est pas nécessairement quelque chose de triste mais elle part, je crois, d’une fragilité, d’une quête ou d’un besoin de combler un manque. Je pense qu’avec le succès et l’argent, Jack avait fini par perdre un peu de ses idéaux, de cette flamme socialiste et de cette révolte politique qui l’animait. Grâce à la rencontre de cet ex prisonnier, il va retrouver une étincelle, une envie de s’engager et de se battre pour une cause : la réforme du système pénitentiaire.

J’aime essayer de créer de bons personnages, c’est-à-dire des êtres qui vont évoluer, se dévoiler, se remettre en question et qui vont passer par différents états successifs, forts et contrastés. À mes yeux, un bon personnage c’est celui qui, à la fin de la pièce, n’est plus exactement celui qu’il était au début… Il faut qu’il soit un challenge pour un comédien !

 

 

Tu es Ed, personnage sombre et mystérieux…

Il est complètement à l’opposé de Turing… Il est assez linéaire, tendu, fermé, taiseux, rugueux et c’est une chance d’avoir la possibilité d’aller vers ce que je ne suis pas. Et puis, dans le jeu pur, il y a une petite contrainte supplémentaire puisqu’Ed porte physiquement les stigmates de son lourd passé à travers une jambe raide…Petit à petit, on va découvrir la raison pour laquelle il a été incarcéré et le public, lui aussi je pense, ne ressortira pas complètement indemne car La maison du loup interroge sur la notion de seconde chance, de pardon, de justice et d’injustice…

Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson pour Le Mensuel / Photos Fabien Malot Starface


Interview parue dans Le Mensuel n°422 d’été 2021

 

« La machine de Turing » de et avec Benoît Solès au Théâtre Anthéa

Benoît Solès en interview pour sa pièce « La machine de Turing »

Benoît Solès en interview

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