INTERVIEW

Antonia De Rendinger en interview

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Si, dans son dernier one woman show, Antonia voulait faire croire qu’elle se cherchait, son 4ème spectacle Moi jeu – qu’elle va étrenner cet été en Avignon -, ne peut que confirmer qu’elle a bien trouvé sa voie depuis longtemps… Comédienne dont l’humour est sans nul doute la première nature, la pétulante quadra s’est en effet forgé une solide réputation grâce à ses personnages tout aussi barrés qu’authentiques.

MOI JEU
À Draguignan au festival La Semaine du Rire le 02 Août • GRATUIT

 


« Cet exercice est une véritable compétition contre soi-même ! »


Être seule en scène est une des activités, à mes yeux, les plus difficiles…

Antonia de Rendinger : Noëlle Perna me disait à ce sujet qu’ « il faut un sacré courage pour monter sur scène et défendre un texte qu’on a écrit soi-même »… Et elle avait tout à fait raison car même si ça peut impressionner, ce n’est pas forcément le fait d’être seule sur les planches qui est le plus dur. D’ailleurs, même si on ne voit que moi le soir, il y a, derrière, un véritable travail d’équipe malgré tout ! Par contre, il ne faut pas se voiler la face, il faut être un tout petit peu narcissique pour se lancer tout en reconnaissant qu’il y a meilleur que soi et que cet exercice est une véritable compétition contre soi-même.

Il y a une certaine notion d’ego sur scène, pourtant, il s’agit d’un véritable don de soi au public…

Il y a des gens qui vont voir des psys, d’autres font du sport et moi je fais de la scène ! (rires) Ça me permet de ressentir des choses, de me sentir vivante et c’est tout à fait vrai, derrière l’évidente partie d’ego, il y a le plaisir de donner mais aussi de recevoir… C’est réellement un échange et d’ailleurs, après les représentations, j’adore faire des bains de foule car j’aime profondément les gens, j’ai besoin de les rencontrer même si souvent, je ne sais pas forcément quoi leur dire à part « merci » tant je me sens intimidée et un peu démunie… Ce sont de chouettes moments, vraiment…

D’où vient ce besoin d’aller sur scène ? Envie de raconter des histoires, de faire rire ?

Je ne saurais pas vraiment dire comment ça marche… Quand j’étais petite, j’étais un vrai clown, j’avais très envie d’être comédienne ou plus exac- tement qu’on me regarde. Pour moi, c’était un rêve mais, comme pour la plupart des rêves, je me suis dit qu’il fallait y renoncer… Du coup, ce métier m’est finalement tombé dessus un peu par hasard, grâce à une amie. Mais pour répondre à ta question, je crois qu’aujourd’hui c’est un tout. Je viens de l’impro où l’on doit être auteur, interprète et metteur en scène à la fois. On doit réellement être passionné par ces trois facettes du métier pour s’y épanouir pleinement. Il faut avoir un sens de la dramaturgie, de l’écriture, il faut emmener l’histoire vers un climax, retourner les situations, créer la surprise… Et puis j’adore inventer des personnages, faire des voix, raconter des histoires… Je crois que j’aime tout en fait ! (rires)

La création de tes personnages rappelle le grain de folie des Pierre Palmade ou Muriel Robin…

Je suis complètement issue de cette époque ! Ce sont mes modèles avec Valérie Lemercier ou encore Sylvie Joly… C’est vraiment mon univers à moi. Quand je joue, j’ai quasiment l’impression d’être habitée par quelqu’un d’autre. Je ne m’appartiens plus du tout et je suis d’ailleurs à peu près persuadée que c’est une certaine forme de schizophrénie. Et ce que j’aime par-dessus tout c’est que l’on peut dire ce que l’on veut à travers la voix d’un personnage, on peut aller excessivement loin puisqu’il n’est pas nous au final !

On s’oublie au point d’accepter le ridicule…

Quand je fais le sketch de l’épilation, je sais d’emblée que je ne vais pas être à mon avantage ou plu- tôt non, en effet, je ne le sais même pas puisque je l’oublie complètement… Je n’y pense pas car sur scène, je pars du principe que le ridicule ne tue pas. Au contraire, jouer avec mon corps décomplexe beaucoup. J’ai par exemple mis volontairement en valeur mes bourrelets dans un sketch parce que ça servait le comique de situation. Quand on est acteur, on doit admettre que notre corps devient un outil et que chacune de ses « faiblesses » ou de ce que l’on considère être des défauts peut enrichir le jeu ou l’histoire.

Plus comédienne que simple humoriste…

Le terme « humoriste » ne me dérange pas du tout mais pour certains, il est un peu réducteur c’est vrai… Je suis comédienne, je fais des doublages, beaucoup d’impro et je suis également maîtresse de cérémonie… Je fais de l’humour populaire, rien d’élitiste alors être « comique », peu importe ce qu’on en pense, est pour moi une magnifique décoration !

Le rire est peut-être devenu un des biens les plus précieux aujourd’hui…

J’ai toujours eu l’impression que le rire était quelque chose de vital et que toute société anxiogène générait beaucoup plus d’humour que les autres. Face aux drames, l’Homme a besoin de créer une échappatoire. On remarque d’ailleurs que dans les unités médicales spécialisées pour les enfants, il y a beaucoup de chaleur et de rire… Quand quelque chose ne va pas dans la vie, on peut soit se jeter par la fenêtre soit essayer de se battre.

 

Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photo Paola Guigou

Interview parue dans Le Mensuel de l’été 2017 n°383 éditions #1 et #2

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