INTERVIEW

Jean-Marie Bigard en interview

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Après pas moins de neuf spectacles, Jean-Marie Bigard s’est decidé, à l’occasion de sa dixième création, à se jeter corps et âme dans un tout nouveau défi, celui d’assurer lui-même son tout premier one woman show ! Pour cela donc, impossible de se présenter sur scène comme d’habitude… Prenant son rôle de femme étrangement très à coeur, c’est sous les traits de la gente féminine que l’humoriste souvent taxé de machisme, débarque face à un public qui, peu importe le genre proposé, n’hésite jamais à faire le déplacement depuis trente ans maintenant. Fardé, rasé, en robe, hauts talons et surplombé d’une perruque, celui dont la composition même du prénom semble désormais confirmer que sommeille en lui – comme en chacun de nous d’ailleurs – un peu des deux sexes opposés, est bien décidé à laisser la parole aux femmes… Mais bien que les hommes en prennent joyeusement pour leur grade dans la première partie de Nous les femmes, ces dernières ne seront pas en reste puisque, la testostérone aidant, l’homme qu’on connaît si bien ne tardera pas à ressurgir pour régler à son tour, ses comptes…

 

« NOUS LES FEMMES »

À Fréjus le 24 juin

 


« Je suis en manque quand je ne joue pas, c’est une véritable drogue ! »


 

Morgane Las Dit Peisson : Vous jouerez en plein air, au Théâtre Romain de Fréjus…

Jean-Marie Bigard : Tous les théâtres antiques ont quelque chose de magique ! Étant chargés d’Histoire, ils dégagent une atmosphère unique et puis, du point de vue de leur composition, ils ont été intelligemment pensés de façon à ce que tout le monde entende bien malgré les contraintes climatiques… D’ailleurs, contrairement à une salle fermée, le fait de jouer sous les étoiles ajoute des petits défis supplémentaires pour les acteurs… Pendant une réprésentation, je me suis par exemple retrouvé à devoir jouer avec un somptueux papillon qui venait se poser sur mon épaule en permanence pour me piquer la vedette ! (rires) De plus, je n’avais pas fait attention qu’on était un 13 juillet et que certains des villages alentour allaient tirer des feux d’artifice alors il a fallu meubler entre chaque pétard avant de pouvoir reprendre le spectacle ! Une autre fois, j’ai eu le droit à  un ballet d’hélicoptères… (rires) Même pour un vieux brisquard de la scène comme moi, c’est un peu angoissant et en même temps, c’est ce côté imprévisible qui est plein de charme et plein de vie !

Après plus de 30 ans de carrière, c’est aussi ça qui donne envie de continuer ?

Oui, peu importe ce qu’il se passe sur scène, ce n’est pour moi que du bonheur ! C’est ma vie, ma respiration. Je suis en manque quand je ne joue pas, c’est une véritable drogue au point que j’en deviens insupportable à la maison ! (rires) J’ai besoin de voir mon équipe – qui est devenue ma deuxième famille en 30 ans – et j’ai besoin de voir le public, le sentir et l’entendre rire. C’est ma façon à moi d’être bien et d’engranger de magnifiques souvenirs… 

On ressent chez vous le goût du défi et du dépassement de soi…

Ça fait vraiment partie de ma philosophie de vie… J’en ai besoin, pas pour épater qui que ce soit, mais pour me prouver que j’en suis capable. Quand un obstacle se présente à moi et qu’il se transforme en montagne à gravir, je l’appréhende comme une chance d’aller voir tout en haut la beauté du point de vue et ça me transcende.

Il y a ainsi eu le spectacle en direct du Grand Rex dans plus de 160 salles de cinéma et surtout le fameux Stade de France…

(rires) Face à 52 000 personnes, il y a un moment où tu sens ton cœur se décrocher… C’est impressionnant, grandiose et étourdissant de savoir que tous ces gens ont fait le déplacement mais surtout de réaliser que tu as consacré ta vie entière à ta passion pour qu’un évènement pareil existe ! 

Les enjeux étaient colossaux…

Tout le monde voulait arrêter en effet car rien qu’une petite répétition nous a coûté un million d’euros… Même si je me suis ruiné avec ce truc, j’en suis ressorti gagnant car aucun autre humoriste ne l’a fait et vraisemblablement ne le fera… Je suis sûr que j’emmènerai ce record jusqu’au crématorium ! (rires) 

Votre nouveau défi, c’est d’être une femme…

J’ai l’impression que Nous les femmes est mon meilleur spectacle ! Dire que j’ai attendu mes 60 balais pour le faire ! (rires) Il est puissant, je n’ai jamais entendu les gens rire autant ! Il est scindé en deux, une première partie où j’incarne une femme et une seconde où je reviens en « moi ». Pendant 35 minutes je prends le parti des femmes et honnêtement, c’est un bonheur pour moi de changer de camp en me mettant à les défendre bec et ongles avec la même truculence que celle qu’on me connaît ! 

Et contrairement à ce que certains pensent, vous aimez les femmes et elles vous le rendent bien ! 

Oui, elles sont sensibles au second degré et comprennent que le Lâché de salopes est en réalité beaucoup plus axé contre les hommes et leurs pratiques pitoyables en boîte de nuit… Les femmes ne sont pas du gibier et je crois que si ce sketch est devenu culte, c’est qu’elles ont perçu que derrière ces mots crus, il y avait un véritable fond. Les femmes en rient car elles savent lire en moi à travers ces mots parfois vulgaires et les hommes m’aiment bien, je pense, pour mon côté franchouillard. Il y a plusieurs lignes de lecture selon les sensibilités de chacun mais c’est vrai que si on n’a beaucoup d’humour et d’autodérision, il vaut mieux ne pas venir me voir ! (rires)

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photo Kwiatkowski Christophe

Interview parue dans Le Mensuel de juin 2017 n°382 éditions #1 et #2

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