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Interview de Yodelice (Maxim Nucci) pour Le Mensuel en 2011

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Yodelice

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YODELICE

Maxim NUCCI
 

« Je pense que le prochain disque de Yodelice aura un arrière-goût de ce que j’ai pu vivre sur l’album de Johnny »

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CW_ITW_YODELICE_0005itwMorgane L : Comment vas-tu depuis le mois d’octobre ?    (Voir la précédente interview)
Yodelice : Un peu fatigué mais ça va ! Cette aventure de Yodelice est assez folle ! On vit de beaux moments de scène… Je suis très content !


Comment a évolué ton spectacle depuis ta 1ère fois à Nice ?

En fait on change souvent de spectacle. Même si c’est la même tournée qui dure quasiment maintenant depuis 3 ans, on essaye de proposer quelque chose de différent.
C’est le cas depuis quelques mois. C’est vraiment important pour moi d’essayer d’être dans le renouveau à chaque fois parce que dès qu’on s’installe trop dans un spectacle, il y a des automatismes qui se mettent à fonctionner et du coup, ce n’est pas très bon, on n’est plus dans la création. Donc j’essaye vraiment à chaque fois de proposer quelque chose d’autre donc tu verras quelque chose d’encore différent sur le Crazy Week
En plein air à quoi peut-on s’attendre ?
Ouh là là… Si c’est du plein air… Alors là… (rires) En festival, Yodelice est assez différent d’un concert traditionnel. Souvent en plein air et selon les horaires de passage, on peut ne pas avoir la lumière être en plein jour donc il n’y a plus les codes couleurs de Yodelice et cette ambiance assez sombre et c’est beaucoup plus joué finalement sur la performance musicale. Ça donne lieu souvent à des sets réduits puisqu’on est plusieurs groupes à l’affiche et on se retrouve plus dans une atmosphère dynamique. Mais au Crazy Week, on passera en dernier donc si c’est la nuit, on devrait se rapprocher des concerts de Yodelice… Il faut venir voir ce que ça donne ! (rires)

Dernier single « My Blood is Burning », pourquoi ce choix là ?

En fait ce n’est pas moi qui choisis les singles, c’est la maison de disque. J’essaye de garder une intégrité artistique absolue au moment de l’album, c’est-à-dire que je ne fais vraiment aucun compromis, je n’écoute personne ! C’est mon côté un peu « tête de con » (rires) et une fois que j’ai livré l’album à la maison de disque, je les laisse choisir ce qui est le plus évident pour eux. C’est marrant parce que j’ai fait ça toute ma vie, faire des chansons pour les radios, mais depuis Yodelice, je ne suis plus du tout là-dedans et ça me gave même presque d’y réfléchir et de me demander sur quel type de radio ça va pouvoir passer… Je ne suis plus du tout là-dedans ! J’ai fait un disque, il y a 10 chansons dedans et peu  importe pour moi quel est le single, je les aime toutes !
Grâce à Yodelice, tu as une liberté artistique absolue ?
Oui c’est vrai que Yodelice m’a réellement offert ça. La création de ce clown, c’est une liberté artistique puisque lui n’existe que dans la proposition artistique et que moi, rien ne m’atteint puisque c’est lui qui est en première ligne… (rires) Vraiment je me dis que c’est de pire en pire… Je le vis vraiment à fond là ! (rires)
Est-ce qu’il est également un refuge ? Il t’aide à surpasser certaines choses personnelles ?
Non non ! Je n’ai pas poussé la schizophrénie à ce point là ! (rires) Les soucis, je ne les laisse qu’à Maxim qui en a marre d’ailleurs de les avoir et Yodelice existe vraiment dans la proposition artistique et oui, il m’aide mais uniquement à ce niveau-là. Il n’y a rien de sorcier là-dedans, je pense que les gens comprennent ça car c’est un peu à l’image du mec qui est chez lui et qui écrit sur un forum internet, planqué derrière son ordinateur et qui va pouvoir dire à la terre entière tout ce qui lui passe par la tête, chose que la même personne serait incapable de faire en communauté à haute voix. C’est un peu ça l’effet masque et quand on est dans un truc bien intentionné, ça peut faire des merveilles parfois…
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Entre le 1er et le 2ème album, comment le personnage a-t-il évolué ? Il donne l’impression d’avoir grandi, d’être devenu sexué…
Effectivement, sur le deuxième album, il y a une énergie qui est venue aussi à travers la scène où Yodelice s’est un peu dynamisé et où il aborde la sexualité. J’aime bien le voir comme une espèce de créature en mutation… Selon ce qui l’inspire, selon ce qu’il emmagasine comme énergie, il est un peu à notre image en fait. L’être humain est en mutation constante depuis toujours et on ne cesse d’évoluer. On est de plus en plus grand, dans quelques générations on n’aura plus de dents de sagesse… L’être humain, comme une créature, est en mutation et donc Yodelice aussi. Ça me plaît bien de ne pas être figé dans un état d’esprit.
Donc tu n’es pas prêt à l’abandonner, on va le retrouver dans un 3ème album ?
Je pense que ça fait partie de moi et pour l’instant je me sens bien dans mes pompes avec lui, je me sens inspiré. Par contre, ce qui est sûr c’est que cette proposition artistique me tient tellement à cœur que si un jour j’ai le sentiment que je n’ai plus l’inspiration, plus l’envie, je ne me forcerai pas et ça sera le moment de proposer autre chose mais pour le moment, je ne me vois pas vivre sans lui.
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Dans « My Blood is Burning », le style et les sonorités sont un peu plus proches de ceux des Beatles alors que dans « Experience » on a un univers beaucoup plus sombre et ténébreux… L’un est vif, l’autre planant, c’est ça qu’a permis Yodelice ? Explorer librement tous les styles qui t’ont bercé sans t’enfermer dans un carcan ?
Il y a de ça… J’ai du mal à enfermer Yodelice dans un style mais j’aime bien ce côté dépressif qu’il a… Pas dépressif dans le sens triste ou trop mélancolique mais plutôt dans le sens presque bipolaire. Il passe d’un état à un autre très très vite. Il peut être mélancolique et d’un coup passer à un état très ouvert, très joyeux et j’aime bien ça. Dans ma discographie, on parlait par exemple des Beatles, ils ont commencé dans les années 60 par des titres extrêmement pop de 2 minutes, des autoroutes de mélodies inclassables et efficaces, et plus tard, dans les années 70, ils ont tellement emmagasiné et voyagé en Inde qu’ils ont fait des albums plus expérimentaux comme « Sergent Pepper » ou même « Revolver ». La démarche était vraiment plus expérimentale au niveau des enregistrements, des éditions, des parties à l’envers… Finalement, il y a beaucoup de groupes comme ça qui proposent soit un album qu’ils pensent être efficace soit un album qui propose un voyage initiatique… J’aime bien les deux, j’aime bien essayer d’avoir des chansons assez enjouées comme sur le 1er album « Sunday with a Flu », des chansons courtes qui vont à l’essentiel et puis là dedans des espèces de voyages un peu expérimentaux… je pense que ça cohabite bien.
Il passe par toutes les sensations que nous pouvons ressentir nous, ce qui donne à ta musique un côté plus humain, plus vivant…
Exactement et ça donne des albums qui ne sont par contre pas forcément évidents à la première écoute parce que du coup, on est quand même un peu déstabilisé par ça. Quand on achète un album, la première chanson nous donne le ton et généralement il se tient jusqu’à la fin tandis que là, sur l’album « Cardioïd », on a une espèce de patchwork un peu étrange de mood et d’instants de vie greffés les uns aux autres donc ça fait un truc un peu étrange.
Dans le registre du sombre et de l’étrange, qui te crée les dessins que l’on retrouve sur les pochettes ?
C’est mon ami de dix ans, Eliott… Pour moi, c’est vraiment le gardien de l’image de Yodelice, c’est avec lui que j’ai travaillé au tout début à l’élaboration du personnage. C’est lui qui a fait les deux pochettes d’albums, qui a réalisé le clip « More than Meet the Eyes » et « My Blood is Burning ». C’est un artiste dément qui dessine, qui réalise, qui est photographe, qui est multicartes et qui est surtout quelqu’un d’essentiel dans l’aventure de Yodelice.
L’aspect lugubre ? C’est un peu péjoratif comme terme mais c’est vrai que pour nous, européens, la tête de mort est morbide…
En fait, tu as donné la réponse dans la question ! (rires) C’est vrai que c’est nous, européens, occidentaux, qui voyons la tête de mort comme quelque chose d’extrêmement lugubre alors que dans d’autres cultures, on célèbre la mort. Il y a beaucoup de philosophes et de grands penseurs qui voient en la mort la justification de la rareté et que la vie soit extrêmement précieuse. En çà, la tête de mort devient un message de vie très positif. C’est aussi un bon acte de remise en question parfois, ça peut être un beau message aussi… Ca nous rappelle qu’on est tous pareils, tous les mêmes… J’y vois quelque chose d’extrêmement positif. En plus on n’est pas du tout dans les têtes de mort gothiques, on est tout de même plus dans des traits enfantins.
Sur toi, la larme ? Comme une ride, elle témoigne des expériences ?
Exactement… Elle fait partie du maquillage du clown (maquillage soft) mais cette larme, je la voyais vraiment comme le témoignage de l’aboutissement d’un sentiment extrême, qu’il soit de tristesse ou de joie alors qu’aujourd’hui on passe notre temps à cacher nos émotions et à composer des personnages. Je trouvais assez joli d’avoir un témoignage des sentiments comme une cicatrice et d’assumer physiquement le fait de pouvoir souffrir.
1er album personnel et le 2nd plus « collectif » ? Plusieurs personnes semblent avoir gravité autour, c’est pour ça que le personnage a évolué ?
Oui c’est très juste… En fait, je pense qu’il évolue à travers ça. C’est vrai que je suis très content… Je suis parti sur ce projet de manière un peu solitaire avant qu’Eliott n’arrive puis les autres ont débarqué : Sébastien au violoncelle puis petit-à-petit Xavier qui joue de la guitare avec moi sur scène et qui est mon ingénieur du son depuis 10 ans est venu se greffer, puis Massimo le batteur et puis Simone. J’aime assez l’idée de collectif d’artistes qui peuvent se sentir inspirés par Yodelice et donc l’aider à grandir, à densifier son univers. J’aimerais bien à l’avenir le voir comme un collectif pour prouver que tout peut bouger, que rien n’est figé, que demain ça peut être un disque purement instrumental et confidentiel, ou que Yodelice ne chantera pas forcément sur l’intégralité d’un album, qu’il y aura peut-être d’autres interprètes… J’aime cette idée de proposition artistique dans un mixeur avec plusieurs intervenants.
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L’album de Johnny Hallyday, comment t’es-tu retrouvé dans ce projet avec Matthieu Chédid ?
C’est Matt qui m’a appelé en me disant qu’il allait faire l’album de Johnny et il m’a proposé de le faire avec lui. On a pris un petit peu de temps pour réfléchir mais c’est vrai que je me suis dit qu’une aventure avec – M -, Johnny et Vincent Polycarpe qui est le jeune batteur du groupe Gush (c’est un groupe d’enfer et lui est un artiste extraordinaire) était une occasion que je ne pouvais pas louper ! Je me suis dit que c’était quand même une expérience musicale à vivre exceptionnelle et je ne me suis pas trompé ! (rires) Matthieu a écrit vraiment beaucoup de chansons puis on s’est retrouvé pour parler de Johnny à une terrasse de café. On avait une guitare et il m’a demandé ce que j’aimerais lui faire chanter… J’avais une idée de chanson et donc j’ai commencé à jouer une espèce de thème un peu Led Zepplinien, un truc en open tuning (où la guitare est accordée bizarrement, comme désaccordée)… Il a aimé ça et s’est mis à écrire sur un coin de table… C’est comme ça qu’on a écrit « Jamais seul », à la terrasse d’un café !
Pas de difficulté à te remettre à travailler pour quelqu’un d’autre ?
Non… C’était plutôt récréatif pour moi… D’habitude, quand je travaille pour les autres, j’ai vraiment le poste clef de la réalisation alors que là, même si j’y ai participé, c’était Matthieu le réalisateur artistique de ce disque. J’étais quand même plus à son service et à celui de Johnny… C’était plus un exercice de musicien. C’était vraiment cool de jouer tous les quatre ensembles, d’enregistrer un disque dans la même pièce, à l’ancienne, avec Johnny qui a une voix incroyable et qui nous boostait… C’était un peu dingue comme truc pour nous de se retrouver avec ce mec à l’autre bout du monde, ce loup extrêmement charismatique et qui vit, à ce moment-là de sa vie, une grosse remise en question. Faire de la musique avec lui et choper d’un coup une espèce d’étincelle dans ses yeux, se dire qu’il peut encore chanter alors qu’au moment où on rentre en studio il n’est même plus sûr de pouvoir le faire, donc être témoin de la renaissance d’un mec comme ça, c’est un moment très privilégié… C’était très puissant à vivre, ça reste un excellent souvenir et il y a des moments de cet album qui sont de réelles prises d’instants d’émotions fortes dont je suis très fier.
Est-ce que cette expérience va t’influencer dans ta création ?
Oui carrément ! Là je « phantasme » sur l’album rock ! Après l’expérience avec Johnny, le fait d’enregistrer de cette manière là, sans aucun compromis, dans la manière des années 70 avec un son brut… Je pense que le prochain disque de Yodelice aura un arrière-goût de ce que j’ai pu vivre à Los Angeles sur l’album de Johnny.
L’EP live que tu as sorti ?
Je vais être honnête, j’ai préféré donner quatre titres live sans ressortir le même album avec quelques bonus. Je ne voulais pas faire un remplissage sur un album en ajoutant des titres que je ne jugeais pas assez bons à mettre sur le disque initialement. Avec le temps ces titres pourront exister, mais si je ne les ai pas mis dans le voyage initial c’est qu’ils ne devaient pas y être. Je l’ai appelé « Pilot » un peu comme les séries télévisées… (rires) Nous les Yodéliciens, on est peu des geek ! On regarde plein de séries et le premier épisode s’appelle en général un pilote. C’est un essai pour voir si la chaîne va produire le reste de la série ou pas. En gros, on a fait ce « Pilot » en appel à un futur projet live qui pourrait sortir l’année prochaine.

On y retrouve la chanson que tu interprétais dans « Les Petits Mouchoirs », elle faisait partie du projet Yodelice au départ ?

Non mais je t’avoue que les gens autour de moi voulaient que j’enregistre cette chanson et que je l’intègre à l’album… Alors la vraie raison de l’EP live c’est peut être cette chanson… (rires) Je suis très fier qu’elle existe dans ce moment là de ce film de potes mais je n’avais pas du tout envie de surfer sur le succès du film en la sortant. C’est une très belle chanson mais qui m’éloigne de ma proposition artistique initiale et donc je préfère rester dans quelque chose de beaucoup plus alternatif. Ça lui permet d’exister dans le film mais aussi à travers un live et c’est bien comme ça.
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J’ai entendu parler d’un film sur Yodelice ?

C’est pour ça qu’on appelé le projet « Pilot »… On est effectivement en train de travailler à l’élaboration d’un petit film sur Yodelice, qui tournerait autour du live évidemment. Je voulais sortir un DVD live mais pas un concert de A à Z… ça ne m’intéressait pas, j’avais envie de rester dans ma proposition artistique, dans l’onirisme… Par contre ça demande beaucoup de temps et d’investissement de faire ça. On traîne un peu mais on y travaille ! J’espère qu’un jour ce projet verra le jour.

C’est vrai que selon ta démarche, filmer un concert, le choisir alors qu’il évolue de date en date, signifierait le figer…
Exactement et dans l’idéal, ce serait un DVD live complètement décousu. J’aimerais bien avoir des images de quand on a commencé dans des clubs où il y avait vingt personnes alors que le disque n’était même pas enregistré… J’aimerais avoir des chansons de différentes époques, un genre de patchwork des différentes mises en scène, des différents looks de Yodelice et ses complices… comme un panorama de tous ces concerts.

On parle film… depuis « Les Petits Mouchoirs », d’autres projets cinématographiques ?
Pour l’instant, je suis à 100% dans la tournée ! J’ai la chance de recevoir régulièrement des scénarios mais je n’ai pas encore eu la proposition qui me donnerait envie de mettre ma musique entre parenthèses pour pouvoir proposer quelque chose en tant que comédien. Mais je suis patient… (rires)

Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson pour Le Mensuel

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