INTERVIEW

Interview de Dany Brillant pour Le Mensuel en 2013 – Album Best Of anniversaire 20 ans de carrière – Viens à Saint Germain

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Dany Brillant

en interview 

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DANY BRILLANT


 

« Quand je prends conscience de ces années écoulées,

je suis le premier surpris de constater que je suis encore là ! »

Ça paraît à peine croyable quand on le voit danser sur scène au son du jazz, du mambo, de la salsa, mais ça fait déjà plus de vingt ans que les titres ensoleillés du beau ténébreux rythment nos vies. De « Viens à Saint Germain » à « Y’a qu’les filles qui m’intéressent » en passant par « Suzette » ou encore « Tu vuo’ fa’ l’americano », Dany Brillant, à qui personne ne semblait présager une longue carrière à ses débuts, s’amuse aujourd’hui à revisiter ses plus grands titres dans une tournée anniversaire exceptionnelle qui retracera, sur scène mais aussi sur écran, ses débuts dans ce quartier qu’il affectionne tant, ses plus belles rencontres, ses voyages et son histoire d’amour avec un public qui lui est toujours resté fidèle…

 

 


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dany-brillant-interview-2013-portraitMorgane L. : Plus de vingt ans de carrière, vous les avez vus passer ?
Dany Brillant : Sincèrement non… On a fait un album tous les deux ans et quand on travaille, on ne voit finalement pas le temps passer ! Mais quand je prends conscience de ces années écoulées, je suis le premier surpris de constater que je suis encore là ! (rires)

Comment était le jeune Dany d’il y a vingt ans ?
Il était très curieux des musiques du monde. Il voulait voyager, faire des albums dans le monde entier et il voulait surtout imposer son style qui était un peu différent… Ça se passait plutôt dans les clubs où j’allais et je me suis dit que cette musique pourrait peut-être passer un jour à la radio ou à la télé. Je me suis vite rendu compte que les gens étaient eux aussi en manque de cette musique là. Je réalise mon rêve depuis plus de vingt ans maintenant ! 

La passion de la musique a toujours été présente ?
Oui j’ai toujours aimé la chanson et puis j’avais un père qui chantait un peu. Il avait des disques incroyables et c’est avec lui que j’ai fait ma culture musicale. Il m’a fait accéder à la musique des crooners (ce qui n’était pas du tout la musique des jeunes de mon époque !) et je me suis nourri de ça. Ensuite, dans les clubs de Saint-Germain-des-Prés, je suis tombé amoureux du jazz, des improvisations de jazzmen et je me suis fait une « oreille » un peu différente des jeunes de ma génération.

Vous avez toujours su que vous étiez fait pour ça ?
Non, petit je voulais faire acteur ! Mon rêve était le théâtre ou le cinéma. Je jouais le soir pour payer mes cours de théâtre et de fil en aiguille, je suis resté dans la chanson mais sans vraiment l’avoir voulu à tout prix. C’est une succession de hasards qui m’a amené à devenir chanteur de variétés.

Et le jeune Dany Brillant pouvait-il oser s’imaginer être encore là vingt ans plus tard ?
Ah non ! Je n’aurais jamais pu imaginer ça ! (rires) Quand j’ai commencé, la presse n’a pas été spécialement tendre avec moi… On me donnait à peine deux ans d’espérance de carrière ! À la fin des années 80, beaucoup de chanteurs sortaient un unique tube et  il y avait donc cette propension à penser que les chanteurs avaient une « vie » très courte. Mais le fait de faire quelque chose de différent et de plus ancré dans les traditions a finalement peut-être joué en ma faveur et fait que j’ai duré plus longtemps que les choses à la mode de cette époque-là.

Quel regard portez-vous sur le jeune homme que vous étiez ? Un regard attendri, nostalgique ?
Je n’ai pas changé, enfin je crois ! Du coup, je n’ai aucune nostalgie. Je pense qu’on a tous un destin, une voie à suivre. Il ne faut pas se tromper de chemin. Le jeune homme que j’étais à fait sa route avec sa propre vision des choses. J’ai fait ce que j’ai voulu car je suis très têtu et je n’ai jamais lâché ! (rires)

Après vingt ans de carrière, faire un 1er « Best of », c’est pour fêter un anniversaire ou pour faire un bilan ?
Bilan, ça fait un peu trop comptable… (rires) Anniversaire je préfère ! C’est surtout le moyen de retrouver les gens avec qui j’ai partagé ces vingt années. C’est aussi se reconnecter, faire appel à sa mémoire, réveiller les souvenirs… En ressortant et en ré-écoutant des chansons des années 90, tout d’un coup, toutes sortes d’images nous reviennent et mon spectacle est basé là-dessus… Sur la mémoire, les émotions de l’époque, sur notre jeunesse commune car le public aussi a pris de l’âge ! (rires) On a de nombreuses années en commun et ça crée beaucoup d’émotion. J’ai fait le Palais des Sports et c’est incroyable comme une soirée comme celle-ci a le pouvoir de nous reconnecter avec notre passé… Plein de choses ressurgissent et il y a beaucoup d’émotion dans ce show !

Mais il y a aussi un nouveau public, plus jeune…
Oui c’est vrai ! Mon spectacle leur parle aussi car il raconte mon histoire. J’ai mis un écran de cinéma sur scène et comme je suis un acteur contrarié, (rires) j’ai mis plein d’images d’archives, au cabaret, à Cuba, en Italie, qui nous plongent dans les époques de chaque chanson. C’est vrai que pour le public qui n’était pas là il y a vingt ans, ça lui permet de découvrir tout ce parcours.

L’album s’intitule « Viens à Saint-Germain » et c’était le tout premier titre du premier album, c’est une volonté ou un hasard ?
Ah non ce n’est pas du tout un hasard ! Rien de ce que je fais n’est dû au hasard… (rires) « Viens à Saint-Germain » est ma première chanson, c’est l’endroit où j’ai commencé, c’est le quartier qui m’a ouvert les bras quand j’avais dix-huit ans et si je n’avais pas atterri là-bas, je n’aurais certainement jamais fait ce métier. C’est grâce aux rencontres que j’y ai faites et à la poésie qui y règne, que je suis devenu ce que je suis. Saint-Germain, est à mes yeux le lieu où ma carrière a pris sa source alors j’ai voulu appeler mon best of comme ça. Sans Saint-Germain, il n’y aurait pas eu toutes ces années et donc pas de best of…

Vous avez chanté ce quartier une seconde fois avec « J’habitais Saint-Germain-des-Prés »…
C’était pour faire un petit bilan, pour dire que Saint-Germain avait pas mal changé et que j’étais un peu triste que les librairies aient laissé leur place à des magasins de fringues… Mais aujourd’hui, j’ai l’impression que ça revient. Sur la place Saint-Germain, il y avait la librairie « Le Divan » qui avait laissé sa place au profit de Dior qui vient lui-même de recéder sa place à nouveau à une librairie. Vous savez, il y a des quartiers qui rejètent les gens qui ne sont pas en phase avec eux. Il y a une énergie à Saint-Germain qui celle de la poésie des arts, des êtres, des écrivains, des artistes… Ça a toujours été un quartier de rencontres et pas du tout un quartier de fringues. Alors peut-être que l’on est en train de revenir à l’essentiel, à l’origine de ce quartier où tous les gens de disciplines différentes se rencontraient, où se mêlaient cinéastes, peintres et philosophes. Ça créait une émulation terrible et c’était très important pour la création. Evidemment, je n’ai pas connu le Saint-Germain de l’après-guerre, mais il y avait quand même encore un parfum, un souffle qui déclenchait, même plusieurs années après, l’inspiration, le besoin d’écrire dans les cafés…

Vous voulez rappeler aux gens que le passé est vital dans la vie ?
Le passé est important mais ce qui est vital, c’est le présent ! Mais pour construire le présent, vous avez besoin de relire ce qui s’est fait précédemment dans la culture. On est toujours l’héritier de quelque chose. C’est pour ça que l’on s’instruit, qu’on étudie les écrivains du XVIIIème ou du XIXème… On ne peut pas créer à partir de rien. Il faut toujours essayer de rénover la tradition mais pour ça, il faut bien la connaître, c’est important.

Sur ce best of, on a « Viens à Saint-Germain », « Suzette », « Y’a que les filles qui m’intéressent »… Des plus récentes comme « Je suis jaloux » ou « Laissez-nous passer », ça a été difficile de faire un choix parmi toutes ? Car finalement, il n’y a pratiquement que des tubes dans vos albums.
Ah c’est gentil ! Je pense avoir mis les plus « gros » tubes… J’en ai peut être sauté. Mais je vais vous avouer que puisque je ne peux pas tout chanter, celles que je n’ai pas pu mettre sur l’album sont présentes sous forme de medleys ! J’ai choisi les chansons qui ont vraiment marqué les gens car en une dizaine de tournées, j’ai pu m’apercevoir de celles qui frappaient les gens en plein cœur et de celles que les gens aimaient. Ces années ont été comme un sondage alors j’ai choisi celles que les gens avaient le plus acclamées !

C’est peut-être surtout que dans l’énergie d’un concert, certains titres se prêtent moins au show ? Ça ne signifie pas que le public les aime moins.
Oui vous avez entièrement raison ! C’est un mystère pour moi. Il y a des chansons d’album que j’adorais et pourtant sur les dix tournées que j’ai faites, je voyais bien qu’elles n’avaient pas l’impact escompté sur le public… Peut-être y-a-t-il c’est vrai des chansons de scène et des chansons à écouter…  

Ces chansons ont été réenregistrées, retravaillées ?
Oui je voulais proposer quelque chose de légèrement différent. J’ai pensé que les gens avaient les anciennes versions et que ce n’était pas utile de leur « resservir » la même chose. J’ai donc eu envie de les habiller un peu différemment. Je sais qu’il y a des gens qui n’aiment pas certaines versions mais je me suis fait plaisir. Du coup, le public peut choisir, soit la nouvelle, soit l’ancienne. Et puis j’en ai refait pas mal aussi parce que je n’aimais pas ma voix au début, un peu trop nasillarde à mon goût, un peu trop voix de canard ! (rires) Maintenant, j’ai une voix un peu plus grave et c’est surtout pour ça que j’ai voulu les réenregistrer.

On note que le rythme a toujours une place de premier choix, on retrouve du mambo, du tango, de la salsa, du swing…
C’est mon style, ma signature… La chanson française normalement ne swingue pas et j’ai voulu prouver le contraire, montrer qu’on pouvait y utiliser des rythmes qui ne viennent pas de France mais d’Amérique Latine par exemple. J’aime ces rythmes de danses à deux, ce sont des prétextes à se rapprocher. C’était mon style de départ et je n’ai jamais changé. Ces rythmes sont ceux que j’adore et que j’écoute chez moi. J’écoute énormément de mambo, de jazz et c’est ça qui me nourrit quand j’écris mes chansons. On compose toujours à partir de ce qu’on écoute et de ce qu’on aime.

Latin, très rythmé, chaud et romantique, l’amour est toujours au cœur de vos titres, ça ne vous lasse pas de parler d’amour ?
Il n’y a pas que de l’amour dans mes chansons même si c’est vrai qu’il y en a souvent ! (rires) Mais regardez Serge Gainsbourg ou Charles Aznavour, finalement, ils n’ont fait que ça, parler d’amour. L’amour est un sujet très vaste. Ce n’est pas seulement l’amour entre un homme et une femme. Pour moi, la musique vient du cœur, alors la chanson va parler du cœur. Vous pouvez toujours faire des chansons sociétales, j’en ai fait de temps en temps comme « Laissez-nous passer » ou « Toi et Moi », mais les gens viennent écouter des chansons pour être touchés en plein cœur, pour rêver, pour s’émouvoir. Je ne suis pas un chanteur journalistique mais romantique donc je parle de ce que je connais le mieux, les sentiments. C’est un sujet qui inspire et qui n’est pas fini d’inspirer ! Il y a plein d’angles, plein de façons de le traiter, l’amour que je chante, c’est l’amour sous toutes ses formes. Je pense sincèrement que c’est le moteur de tout… Il y a l’amour du divin, l’amour de la nature, l’amour de l’autre… L’amour est partout !

On vous a toujours vu comme un séducteur, un crooner. Dès le départ vous aviez voulu être acteur, alors c’est un rôle que vous avez choisi, une sorte de carapace ? Dans la vie vous n’êtes pas toujours comme ça non plus ?
Non, non, c’est vrai ! Heureusement d’ailleurs ! (rires) Mais être séducteur, c’est la base même du chanteur. Il veut séduire séduire. C’est même un pléonasme ! Un chanteur qui ne voudrait pas plaire devrait faire autre chose. C’est quelqu’un qui veut toucher le cœur des gens par les paroles et leurs corps par la musique sinon ça ne tient pas longtemps. Si ce n’est que la forme qui est séduisante, si le costume est beau et la présentation parfaite, et que la séduction n’a aucun message… Ça ne marche pas, enfin je pense !

Vous avez donc toujours eu cette passion du jeu, ce n’est finalement pas si étonnant de vous avoir vu au théâtre dernièrement ?
Non pas étonnant du tout pour ceux qui me connaissent bien ! C’est un truc que j’ai en moi depuis toujours. Je voulais faire les deux métiers. Jusqu’à maintenant, ça ne m’avait pas souri. Et puis un jour, Eric Assous m’a écrit une pièce, « Mon meilleur copain », et me l’a proposée. Je l’ai lue et j’ai tellement ri que j’ai été emballé ! Mais dans la chanson, j’ai toujours aussi fait un peu l’acteur. Ce sont deux métiers qui ne sont finalement pas très éloignés. Je ne sais pas pourquoi on veut à tout prix les séparer. Ce sont deux aspects du même métier, un chanteur est un acteur et un acteur devrait savoir chanter !

En tout cas on oublie très vite le chanteur sur scène ! Vous n’avez même pas eu peur de casser votre image. Cette autodérision dans la pièce était importante ?
Je pense que j’ai fait un bon travail car j’étais totalement différent de mon personnage de chanteur, j’étais vraiment dans une autre dimension. C’était un rêve de gosse ! Maintenant qu’on l’a fait je suis calmé. Je voulais jouer au théâtre, je suis passé au théâtre… Maintenant je peux passer à autre chose ! En ce qui concerne l’autodérision dans la pièce, oui c’était important car j’ai toujours aimé casser un peu les codes. J’ai joué quelqu’un qui est l’opposé de moi alors ça ne m’embêtait pas du tout de faire tout ça puisque ce n’était pas moi. C’était vraiment un rôle de composition. Rassurez-vous, je ne me comporterais jamais comme ça dans la vie ! (rires) Du coup, ça a été une liberté qui m’a permis tous les excès ! Je me suis dédoublé.

Cette tournée anniversaire durera jusqu’à quand ?
Jusqu’en juin. Parce qu’après je me repartirai dans l’écriture d’un nouvel album. J’ai quand même des plannings qu’il faut bien que je respecte un peu ! (rires) Je fais cette tournée anniversaire avec une trentaine de dates en essayant de rappeler aux gens des souvenirs communs. Après j’essaierai de proposer quelque chose de nouveau même si mon spectacle actuel est déjà quelque chose de très nouveau en soi. Là j’ai fait du nouveau avec de l’ancien, c’est un concept très particulier et je pense que les gens vont être très surpris…

 

 


Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson pour Le Mensuel
Interview parue dans l’édition n°337 de Mai 2013

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